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vient de nous montrer la Grèce, comme la Turquie, aux pieds de l’Angleterre. Telle a été la conséquence, bien inattendue, des immenses sacrifices que nous a coûtés la guerre d’Orient. Quoiqu’elle eût employé de moins grands moyens, la monarchie parlementaire avait d’autres prétentions et d’autres espérances.

Au mois de mars 1834, la chambre des députés ayant rejeté, à ne majorité de huit voix, le crédit de 25 millions demandé par le ministère pour acquitter une dette envers les États-Unis, reconnue par un traité, M. le duc de Broglie, qui avait préparé et soutenu le projet de loi, donna sa démission. Il ne passa qu’un an hors des affaires, et le 12 mars 1835, rappelé par une sorte de cri public, il reprit le portefeuille des affaires étrangères en y joignant la présidence du conseil. Son premier soin fut de reproduire le projet de loi des 25 millions, et la chambre, reconnaissant son tort, le vota à une grande majorité. Des démonstrations violentes avaient éclaté aux États-Unis dans l’intervalle, nous avions été menacés d’une déclaration de guerre, et il eût mieux valu pour la dignité nationale voter tout d’abord le crédit. Cette fois ce fut M. Guizot qui insista pour le rappel de M. de Broglie, et qui se montra décidé à quitter le ministère, si on ne lui donnait complète satisfaction. Le titre de président du conseil n’était pas une vaine apparence, quoi qu’on ait pu dire de l’intervention personnelle du roi Louis-Philippe dans son gouvernement. Plus que personne, M. le duc de Broglie le prit au sérieux; il exerça dans toute son étendue les prérogatives d’un premier ministre, non qu’il eût un goût très vif pour le pouvoir, il a cent fois prouvé le contraire, mais parce qu’il tenait à ne rien laisser échapper de ce qu’il considérait comme l’essence du gouvernement représentatif. Il le déclara hautement d’avance quand il vint faire à la chambre des députés les déclarations d’usage. « J’ai reçu du roi, dit-il, j’ai reçu de la confiance de mes collègues l’honorable mission d’imprimer au cabinet cet ensemble, cette unité de vues, de principes, de conduite, sans laquelle la vraie responsabilité ministérielle, la responsabilité collective, ne devient qu’un vain mot, et qui fait la force et la dignité des gouvernemens. » Ce langage tout parlementaire nous transporte dans un monde bien différent de celui où nous vivons.

Le président du conseil accompagnait le roi à cette fatale revue du 28 juillet 1835, où la machine infernale de Fieschi éclata sur le cortège royal et fit à la fois tant de victimes. M. le duc de Broglie eut le collet de son habit emporté par une balle qui resta dans sa cravate. De toutes parts on réclamait des garanties contre le retour de semblables forfaits. Le gouvernement présenta les lois qui ont reçu le nom de lois de septembre, parce qu’elles ne furent votées