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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/332

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qu’au mois de septembre suivant. Ces lois, que la fureur des partis a si étrangement défigurées, étaient au nombre de trois : l’une réduisait de huit à sept sur douze le nombre des voix nécessaires aux condamnations par le jury; la seconde autorisait les cours d’assises à faire amener de force ceux des prévenus qui refuseraient de comparaître devant elles, ou même à passer outre aux débats en leur absence ; la troisième enfin, la plus contestée, défendait d’attaquer par la voie de la presse la personne et les droits du roi, et déférait à la cour des pairs, comme attentat à la sûreté de l’état, toute provocation à l’insurrection.

Le véritable reproche qu’on peut adresser à ces lois, c’est leur impuissance : elles n’ont rien empêché. Rien n’y excédait les bornes de la répression la plus légitime. La loi de la presse, entre autres, ne modifiait aucun des principes de la législation défendue par M. de Broglie en 1819; elle ne rétablissait aucune censure préventive, aucune juridiction discrétionnaire, et la presse serait fort heureuse aujourd’hui de vivre sous ce régime. On ne peut cependant se faire une idée du déchaînement qu’il excita. Le président du conseil, qui avait eu la plus grande part à la proposition, défendit son œuvre. C’est la seule circonstance de sa vie politique où il se soit mêlé aux luttes ardentes : il aimait mieux les thèses réfléchies, les savantes discussions; mais cette fois l’indignation l’emporta hors de lui-même. Il faudrait citer tout entier ce discours, si plein d’une noble colère. En voici la péroraison : « Le gouvernement de juillet a pris naissance au sein d’une révolution populaire; c’était là sa gloire et son danger. La gloire a été pure, parce que la cause a été juste; le danger est grand, car toute insurrection qui réussit, légitime ou non, enfante par son succès des insurrections nouvelles. La révolte, c’est là l’ennemi que la révolution, la glorieuse et légitime révolution de juillet, portait dans son sein. La révolte, nous l’avons combattue sous toutes les formes, sur tous les champs de bataille. Elle a commencé par vouloir élever en face de cette tribune des tribunes rivales, d’où elle pût vous dicter ses volontés insolentes et vous imposer ses caprices sanguinaires. Nous avons démoli ces tribunes factieuses, nous avons fermé les clubs, nous avons pour la première fois muselé le monstre. Elle est alors descendue dans la rue; vous l’avez vue heurter aux portes du palais du roi, aux portes de ce palais, les bras nus, déguenillée, hurlant, vociférant des injures et des menaces, et pensant tout entraîner par la peur. Nous l’avons regardée en face; la loi à la main, nous avons dissipé ses attroupemens, nous l’avons fait rentrer dans sa. tanière. Elle s’est alors organisée en sociétés anarchiques, en complots vivans, en conspirations permanentes; la loi à la main,