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Mais la Pologne n’était pas le seul objet du traité : la Suède était, avons-nous dit, vouée au même sort, et le traité de 1764 posa le fondement de cette nouvelle entreprise politique par un article secret qui manque dans tous les recueils, particulièrement dans celui de Martens ; il se trouve aux archives générales de Berlin[1], soit dans l’instrument original, soit en copie jointe sous la date de 1769 à la correspondance du comte de Solms, envoyé de Prusse en Russie. En voici le texte, écrit en français :


« Il est parfaitement connu aux deux parties contractantes que la forme de gouvernement établie et confirmée par les sermens des quatre états de Suède est souvent ébranlée dans ses parties les plus essentielles par les différentes altérations qu’une faction a faites à l’équilibre du pouvoir, partagé entre le roi, le sénat et les susdits états. Et comme ladite faction a été formée et entretenue par certaines puissances étrangères, et s’est acquis au moyen de leur appui une grande supériorité dans les affaires de sa patrie, en travaillant, suivant leurs convenances mutuelles, à tenir ses concitoyens dans une continuelle agitation, et en les excitant à se mêler dans tous les troubles du dehors, sans se mettre en peine des véritables intérêts de la Suède, qui lui rendent le repos nécessaire, sa majesté le roi et sa majesté l’impératrice, pour prévenir les fâcheuses suites qui pourraient en résulter, s’accordent et s’engagent, par cet article secret, à donner dès à présent à leurs ministres résidant à Stockholm des instructions suffisantes pour qu’agissant en confidence et dans les mêmes principes entre eux, ils travaillent de concert tant à affaiblir ce parti turbulent par des moyens convenables, qui pourront être mieux choisis sur les lieux mêmes, qu’à appuyer et assister ceux d’entre les Suédois qui, connaissant eux-mêmes la pesanteur de leur joug, osent encore y résister… Si toutefois la coopération de ces ministres ne suffisait pas pour atteindre le but désiré, alors, suivant les circonstances, et spécialement dans le cas où l’on aurait à craindre un renversement total de la forme du gouvernement de la Suède, leurs majestés se réservent la liberté de se concerter plus particulièrement sur les moyens de détourner un événement si dangereux et de maintenir la susdite forme de gouvernement en son entier, afin de conserver par là la tranquillité générale, et principalement celle du Nord. »


Ainsi, après la première garantie de la constitution suédoise donnée dès l’année 1721 par la Russie lors de la paix de Nystad, il s’agissait, maintenant que cette constitution avait montré quelle anarchie elle devait produire, de lui demander ses derniers résultats, de n’en laisser échapper aucun, d’en recueillir tous les fruits, fût-ce par la force. Pour conduire énergiquement à bonne fin l’œuvre ébauchée, on était deux désormais, et on allait même recruter une troisième puissance. Après avoir réussi à faire nommer roi de Pologne son

  1. Il vient d’être publié par M. Tengberg dans une dissertation curieuse sur Catherine II et son projet d’alliance du Nord. Lund, 1863 (en suédois).