Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/853

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

candidat Stanislas-Auguste, dont l’incapacité assurait l’exécution de ses desseins (7 septembre 1764), l’impératrice réussit à attirer aussi le Danemark dans la ligue secrète dont elle enveloppait la Suède. Dans un temps où la communauté d’origine semblait être un motif de haine plutôt que de rapprochement entre les peuples, le Danemark était à l’égard de la Suède un ennemi naturel et déclaré ; d’ailleurs les droits que la maison impériale de Russie possédait sur le duché de Holstein lui donnaient prise sur la politique incertaine du cabinet de Copenhague. Aussi obtint-elle aisément l’accession de la cour danoise à une alliance défensive conclue le 11 mars 1765 pour huit années. Il y avait cette fois encore trois articles secrets : le premier assurait à la Russie un subside de 400,000 roubles en cas d’attaque du côté de la Turquie ; le second promettait au Danemark des concessions relativement au Holstein ; le troisième enfin, qu’on peut lire dans l’instrument conservé en original aux archives du ministère des affaires étrangères, à Copenhague, convenait d’une action commune auprès de la diète suédoise pour empêcher que nul changement ne fût apporté à la constitution. La correspondance du ministre de Danemark à Saint-Pétersbourg témoigne d’ailleurs pendant toute cette année des infatigables efforts de Catherine II contre la Suède. Il écrit en effet le 11 juin 1765 : « M. de Panin se flatte de pouvoir restreindre l’article de la constitution qui permet aux états d’y faire des changemens ; il veut qu’il ne soit plus permis dorénavant d’en rien modifier, sinon du consentement unanime des quatre états assemblés en diète, et que tout le monde s’oblige par serment à observer et maintenir ces nouvelles ordonnances, qui seront comme une seconde loi fondamentale, invariable et permanente. M. de Panin croit de la sorte enlever pour jamais aux rois de Suède les moyens de changer la constitution. » Quatre mois après, le même diplomate adresse à sa cour, sous la date du 8 octobre 1765, les graves informations qui suivent : « On est ici très convaincu que l’impératrice trame une révolution en Suède. Elle s’oppose à toute conclusion des affaires ; elle travaille à augmenter les murmures du peuple, et veut le pousser à renverser la constitution. Elle est fermement résolue à faire entrer une armée en Finlande sur la première nouvelle qu’on aura d’une révolte dans Stockholm. Il y a en ce moment 16,000 Russes dans le gouvernement de Viborg ou aux environs, et les ordres sont donnés pour y faire filer secrètement et sans bruit encore 9,000 hommes, afin qu’il y ait 25,000 hommes prêts à tout événement. » Telle était l’opiniâtreté de la Russie ; la Prusse ne manquait pas de la seconder tout en surveillant ses démarches, et le ministre danois auprès de la cour de Suède résumait naïvement la situation quelques mois