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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/889

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probables. Et d’abord il est évident que les hommes trouvés à la Nouvelle-Zélande par les émigrans d’Hawaïki étaient fort peu nombreux, puisque de tous les chefs nommés dans cette histoire un seul semble s’être trouvé en rapport avec eux. Si les autres avaient eu comme Manaïa à s’emparer d’une terre déjà occupée, la légende n’eût pas manqué de mentionner cette conquête comme un titre de gloire. Le silence qu’elle garde sur ce point équivaut à une affirmation. Or le petit nombre des habitans primitifs doit faire rejeter bien loin l’idée d’une population fille du sol, et même celle d’une population parvenue depuis longtemps dans ces îles. Il est évident que ces prétendus indigènes devaient être eux-mêmes des étrangers arrivés depuis peu et qui n’avaient pas eu le temps de se multiplier. Quels étaient ces premiers occupans ? D’où étaient-ils venus ? Les caractères physiques des classes inférieures chez les Maoris permettent de répondre presque avec certitude. Ces caractères accusent parfois d’une manière incontestable une prédominance très marquée du sang nègre. Or nous avons vu que des courans venus de la Nouvelle-Hollande et de la Tasmanie, c’est-à-dire de contrées habitées par des races noires, contournent les côtes de la Nouvelle-Zélande. Il n’y aurait rien d’étrange à ce que quelques canots portant des Mélanaisiens eussent été poussés en pleine mer et entraînés jusque sur les côtes où devait aborder peu après la race polynésienne. Très probablement quelques tribus de nègres océaniens ont les premières habité ces cantons, jusque là déserts. En partie exterminées par les Hawaïkiens, en partie réduites en esclavage[1], elles se sont fondues peu à peu avec les plus basses classes de la société nouvelle. Ainsi sans doute ont pris naissance ces hommes à teint très foncé, à cheveux très frisés, à lèvres grosses, en un mot à physionomie nègre des plus accusées, dont parlent certains voyageurs, dont nous possédons même les portraits, et qui bien certainement sont d’une tout autre race que les Polynésiens[2].

  1. L’esclavage existait à la Nouvelle-Zélande à l’époque qui nous occupe ; plusieurs passages de l’ouvrage de sir G. Grey ne permettent pas d’en douter.
  2. Voir surtout l’ouvrage d’Hamilton Smith intitulé Natural history of Man, pl. XX. La figure 2 est le portrait fait à Londres d’un Maori venu en Europe tout exprès pour se procurer des semences de nos céréales antérieurement à l’époque des premières colonisations européennes dans cette contrée. La même planche, figure 1, présente le portrait d’un chef, Té-Kéwiti, qui, par son ensemble tout caucasique, forme avec le précédent un contraste frappait. Dumont-d’Urville et le docteur Dieffenbach (Voyage à la Nouvelle-Zélande, cité par Prichard) étaient arrivés, par le seul examen du contraste que je signale, à des conclusions fort semblables à celles que je viens d’exposer ; mais le dernier surtout hésite à les admettre, en se fondant sur ce qu’il serait étrange que ni le langage ni les traditions ne montrassent les traces des populations qui auraient précédé les Maoris. On vient de voir comment une étude plus attentive a fait disparaître cette dernière objection. Quant à la première, elle est évidemment sans valeur. D’une