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LA GUERRE EN 1866.

qualités qui le distinguent ; elle n’a cependant qu’une influence secondaire, car la plante puise dans l’air ambiant plus que dans le sol l’eau qui lui est nécessaire.

La plupart des variétés de gossypium d’Amérique sont dans le même cas ; elles ont des racines pivotantes dépourvues de ces appendices chevelus qui pompent par mille suçoirs les sucs de la terre. L’eau d’irrigation, si abondante qu’on la leur fournisse, ne leur suffit pas, elles n’ont pas d’organes pour se l’assimiler. C’est une atmosphère chargée de vapeurs aqueuses, ce sont d’abondantes rosées qu’elles réclament, et c’est justement ce que l’Inde, si bien douée sous le rapport de la chaleur et du sol, ne pouvait leur offrir. Les plaines y sont vastes, déboisées, parcourues par des vents desséchans, les rosées y sont peu abondantes, les pluies y sont rares, et quand elles arrivent, elles sont torrentielles et produisent des effets plus désastreux que profitables. Soumises à un régime hygroscopique si différent de celui qui convient à leur nature, les variétés de coton essayées dans l’Inde ne tardèrent pas, comme toutes les plantes ainsi acclimatées brusquement, à se modifier, à se créer une constitution mieux appropriée aux exigences de ce climat nouveau. Elles dégénérèrent dès la seconde récolte. Quand on s’aperçut qu’on avait fait fausse route, il y avait donc déjà deux ans de perdus en essais infructueux. Nous avons eu nous-même l’occasion d’étudier cette dégénérescence des espèces végétales par suite de l’acclimatation dans des conditions où toutes les mesures étaient prises pour en atténuer les effets. Cette expérience nous a conduit à des résultats assez caractéristiques. L’idée nous était venue, ainsi qu’à beaucoup d’autres planteurs, d’acclimater le sea-island en Égypte, où des terres de choix lui furent libéralement accordées, soit au sud, soit au centre du pays, soit enfin dans les riches terrains d’alluvion qui touchent à la Méditerranée. Nulle part la plante, propagée par ses propres semences, n’est restée pure seulement deux ans. Dès la première récolte, on constatait, avec un rendement inférieur à celui du mako ordinaire, que les fibres étaient maculées de petits points verdâtres moussus. La graine était déjà entachée du signe de bâtardise, elle était recouverte d’une sorte de bourre végétale qui en compromet la puissance germinatrice et les qualités oléagineuses. En 1855, nous fîmes venir à Londres, pour compléter des expériences entreprises sur la première Mac-Arthy’s cotton gin importée par nous en Europe, une balle de ce sea-island égyptien, première récolte ; il avait été cultivé à Solimanieh, à quatre lieues au nord-est du Caire. Après l’avoir façonné avec soin, nous envoyâmes un échantillon de ce coton à des courtiers de Liverpool pour en avoir la classification