Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
EXPLORATION
DU MÉKONG

VI.
LA CHINE OCCIDENTALE[1]

La Chine ! ce mot seul éveille l’idée d’un peuple qui a triomphé de l’espace par l’étendue de son empire, du temps par sa durée, — d’une nation immuable dans ses usages comme dans ses maximes, et qui, malgré les révolutions qui l’agitent et les invasions qui la pénètrent, oppose au cours des événemens et des idées une sorte de pétrification colossale. Emprisonnée dans les mailles d’un idiome qui subordonne l’intelligence à la mémoire et dans un réseau d’institutions qui règlent jusqu’aux attitudes du corps, la Chine a pourtant devancé l’Europe dans la vie sociale, dans les sciences et dans les arts ; mais les inventions les plus fécondes y sont demeurées stériles, comme si la Providence avait voulu faire passer brusquement cette race d’une adolescence hâtive à une décrépitude sans remède. Maître de la moitié de l’Asie, ce peuple pourrait encore réunir des armées aussi nombreuses que celles de Gengis-khan ; mais ses soldats s’enfuient devant une poignée d’Européens après avoir agité de loin, comme une impuissante menace, ces monstres de carton dont l’image fantastique s’étale sur nos écrans et nos tapisseries : pays étrange, plein de contrastes et de mystères, où la grandeur

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1869.