Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réprimer le désordre ; mais les seize, qui étaient très largement représentés dans le conseil général de l’union, prirent le dessus dès que Mayenne ne fut plus là. La défaite du lieutenant-général à Arques, en portant une première atteinte à sa réputation de capitaine, affaiblit singulièrement son crédit dans la capitale. La déception des Parisiens fut grande ; ils comptaient sur une victoire éclatante, il y en avait même parmi eux qui avaient déjà loué des places pour voir conduire, pieds et poings liés, le Béarnais à la Bastille. La déroute de l’armée ligueuse avait été si complète que, pressé d’aller chercher du secours en Picardie, Mayenne ne s’était pas mis en mesure de couvrir la capitale, et Henri IV avait failli y entrer par surprise. Le corps de ville eut l’honneur, par les dispositions qu’il prescrivit en toute hâte, d’avoir sauvé les Parisiens. Il fit tout pour stimuler leur courage ; il organisa un service actif de gardes et de tranchées, il promit de distribuer aux blessés les biens de ceux du parti contraire. Les seize, s’autorisant des périls dont la trahison menaçait la ville, firent décider par son bureau des nouvelles mesures inquisitoriales qui laissaient bien loin derrière elles tout ce que le tyran Henri III avait jadis ordonné. Cependant Mayenne, que le duc de Nemours avait précédé, parvint à rentrer dans Paris. En présence des menées des seize que l’Espagne encourageait, il résolut de se débarrasser du conseil général de l’union, où les exaltés étaient devenus les maîtres. S’appuyant sur cette considération que, puisqu’il y avait un roi proclamé dont il était le lieutenant, le conseil devait demeurer près de lui et le suivre au besoin aux armées, que le conseil de l’union ne faisait que représenter une certaine forme de république qui n’était coutumière ni bienséante en ce royaume, il le dépouilla de presque toutes ses attributions, et les transporta à un conseil privé en grande partie composé des membres qu’il avait adjoints au conseil-général ; il enleva les sceaux à l’évêque de Meaux, de Brézé, qui faisait partie du conseil dont il ne voulait plus, et les donna à l’archevêque de Lyon. Il nomma quatre secrétaires d’état par lesquels il fit dépêcher toutes lettres patentes, grâces et provisions d’offices avec cet intitulé : « par le roi, étant monseigneur le duc de Mayenne lieutenant-général. » C’était là en réalité un coup d’état ; mais l’habileté avec laquelle l’affaire fut conduite ne laissa pas aux seize le temps de s’y opposer. Il y eut cependant de la fermentation dans le menu peuple, que les démagogues s’efforçaient de soulever par des placards anonymes où l’on prêtait au parlement, au Châtelet à messieurs de la ville le projet de faire égorger tous les catholiques. Ces placards furent saisis, on en rechercha activement les auteurs ; on renouvela, pour le maintien et la sûreté publique, des prescriptions jadis édictées par Henri III, et l’on aggrava les pénalités. L’archevêque de Lyon, en