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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/166

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qualité de gouverneur de Paris, se fit présenter un mémoire sur la garde de la ville pour que plus de régularité et de discipline fût imposé à la milice. On confia aux colonels les moins engagés avec les seize la défense des portes principales. Les ardens ne purent dès lors rien tenter, mais ils se promirent de saisir la première occasion de prendre leur revanche. L’appui que leur apporta le légat Cajetano, que le pape avait envoyé en France et qui vint résider à Paris, ne tarda pas à rendre à cette faction l’influence qu’elle avait momentanément perdue. Une seconde défaite de Mayenne, la bataille d’Ivry, en portant un nouveau coup à la popularité de ce prince, servit encore leurs desseins. L’approche des troupes royales surexcitait l’exaltation ligueuse, et semblait justifier les moyens violens que préconisait le parti avancé. Les seize soutenaient les espérances des Parisiens ; ils leur persuadaient que l’ennemi, malgré son succès, était dans la position la plus critique. Plusieurs mois furent employés à réparer les fortifications de la ville, auxquelles on contraignit les bourgeois de travailler. Des mesures assez mal concertées furent prises pour pourvoir à l’approvisionnement ; le corps de ville en eut surtout l’initiative. Le blocus était commencé. Les forces que la capitale allait opposer au roi de Navarre n’auraient pu tenir en rase campagne, elles ne réussirent pas dès le début à défendre la position de Charenton ; mais elles suffisaient à opérer quelque heureuse sortie. Abritées derrière les remparts ou protégées par les tours, soutenues par une artillerie considérable pour le temps, elles firent dès les premiers jours une résistance sérieuse, et repoussèrent l’attaque des faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin. Le duc de Nemours, qui commandait la place en qualité de gouverneur durant les mois où elle fut le plus vivement attaquée, montra de l’intelligence et du sang-froid ; d’ailleurs Henri IV, qui combattait contre son peuple, tenait à le ménager. Sauf quelques vieux routiers placés à la tête des compagnies françaises et allemandes, l’armée de Paris n’avait que de très médiocres officiers, la plupart appartenant à la milice bourgeoise ; les hommes n’étaient pas mieux exercés. C’était à l’aide de compagnies franches, ramas d’aventuriers et d’individus échappés des prisons, que le chevalier d’Aumale et quelques chefs de partisans opéraient les reconnaissances et tentaient les sorties. Vrai général d’armée révolutionnaire, le chevalier d’Aumale, commettait aux environs de Paris des atrocités et des dévastations ; il ne parlait que de massacrer les politiques. Aussi s’était-il acquis une grande popularité dans la canaille, qui exaltait sa bravoure, et se le représentait comme un grand homme de guerre. Tandis que les ligueurs installaient partout des corps de garde et faisaient faction aux portes, les politiques s’efforçaient de se soustraire au