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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/185

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engagemens ci-dessus. — Le solde de l’emprunt devait, les années suivantes, suffire à solder le Crédit foncier, liquider la caisse des travaux, et achever de payer ces dépenses que M. Chevreau, successeur de M. Haussmann, appelait les dettes morales de la ville, telles que la dérivation des eaux de la Dhuys et de la Vanne, le pavage de la banlieue, l’achèvement des églises et des écoles.

Avec ce budget extraordinaire de 296 millions, il ne fallait pas songer, à continuer les grandes entreprises, qui sont les plus populaires parce qu’elles frappent le plus les regards, ces grands percemens inachevés et béans, ces trouées volontaires qui ont familiarisé la population de Paris avec l’aspect des ruines, le boulevard Saint-Germain et la rue de Rennes sur la rive gauche, la rue Réaumur, l’avenue Napoléon sur la rive droite. Ce n’était guère qu’en 1876, après la liquidation du passé, qu’on pouvait retrouver un faible excédant sur les recettes ordinaires et reprendre l’œuvre de la transformation de Paris. Cependant les plaintes s’élevaient si vives en tous ces quartiers arrêtés brusquement dans le cours des embellissemens promis, la fortune publique semblait au fond si peu compromise, il y a enfin dans l’administration de Paris une attraction si puissante vers l’amélioration extérieure, qu’après un premier mouvement de raison et d’économie on se préoccupa de poursuivre le travail, et, comme on le disait, de ne pas laisser les chantiers se désorganiser. M. Le Pelletier d’Aulnay présenta le 11 juillet un second rapport qui, sans rien changer au chiffre du budget extraordinaire de 1870 et à l’affectation des 520 millions de l’emprunt projeté, portait cet emprunt de 520 à 660 millions, et consacrait, sans parler ici d’autres entreprises reconnues comme urgentes, 47 millions à l’achèvement du boulevard Saint-Germain, et 54 à l’avenue Napoléon. Huit jours après, tous ces projets étaient abandonnés, et tous ces calculs renversés. Sous la menace des plus graves événemens, le même rapporteur proposait au corps législatif, le 18 juillet, de réduire à 182 millions le budget extraordinaire de la ville de Paris, de renoncer à toute pensée de nouvel emprunt, de cesser les remboursemens au Crédit foncier, et d’employer les versemens faits et à faire sur l’emprunt de 1869, jusqu’à concurrence de 78 millions, au paiement des bons échus de la caisse des travaux et des dépenses effectuées ; si cette somme était insuffisante, la ville pourrait émettre pour 25 millions de ses propres bons. Le corps législatif ne trouva pas la marge assez large, et le 23 juillet, sans discussion et sans examen, il porta de 25 à 63 l’émission à faire des bons de la ville ; il éleva de 182 à 220 millions le chiffre du budget extraordinaire. C’est grâce à cette sage précaution prise in extremis que la ville a pu régulièrement faire face aux dépenses d’un long siège et d’une guerre civile dont l’histoire n’offre pas d’exemple.