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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/403

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français, partout où il est lâchement versé, soit vengé ; mais atteint-on toujours les vrais coupables ? Va-t-on bombarder Tien-tsin comme on a bombardé Canton et Shang-haï ? Les prédicans ne seraient-ils pas plus près de la morale du Christ, s’ils contenaient leur soif maladive du martyre, qui est sans utilité religieuse, puisque le Chinois n’est jamais converti sincèrement ni d’une manière durable, au lieu de provoquer de part et d’autre tant de meurtres et de fureurs ?

J’ai été frappé de voir débarquer sur le port de Shang-haï une grande quantité de balles de coton. Elles proviennent de l’Inde, me dit un Anglais, et l’importation en devient de jour en jour plus considérable. Les Chinois songent à fabriquer les cotonnades eux-mêmes, et, s’ils peuvent réussir à établir des métiers à l’instar de ceux d’Europe, le commerce britannique recevra un rude coup. Leur tentative d’émancipation ne s’arrêterait pas à cela ; des comptoirs ou plutôt de grands dépôts de soies et de thés seraient également ouverts à Londres et tenus par des Chinois avec un nombreux personnel. Si cela se réalise, si ces spéculateurs de l’extrême Orient débordent sur l’Angleterre, la lutte des deux nations anglaise et chinoise, commerçantes par excellence, sera grosse de révolutions étranges. Pour qui a vu l’invasion rapide des fils du Céleste-Empire dans les îles de la Sonde, en Australie et en Amérique, le danger qui menace l’Angleterre et les classes ouvrières de l’Europe en général est de ceux qui appellent de très loin l’attention vigilante des gouvernans. Si des lois restrictives ne sont pas sagement opposées au débordement effroyable d’hommes qui peut d’un moment à l’autre atteindre l’Occident, peut-être un jour, dans les rues de Londres et de Paris, chassera-t-on les envahisseurs chinois à coups de fusil et de revolver, comme cela s’est déjà pratiqué sur une grande échelle en Australie, colonie anglaise. Ils ont cependant bien le droit de prendre part à notre soleil, puisque nous réclamons le droit de nous éclairer au leur, et la vie d’un Tartare ou d’un Mongol doit être aussi sacrée que celle de n’importe quel Européen.


VII

C’est à Shang-haï qu’il faut arrêter son passage pour San-Francisco, à bord d’un des bateaux américains qui font le trajet par le grand Océan-Pacifique. En versant à l’agence des Pacific steamship companies une somme un peu plus élevée que celle que vous avez comptée en Europe pour arriver jusqu’ici, c’est-à-dire trois mille cinq cents francs, vous recevrez un billet de parcours jusqu’à Paris, via Yokohama, San-Francisco, New-York et Le Havre. Tous les