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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/462

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l’on a peu modifiées depuis le commencement du siècle, ont subi moins que d’autres l’influence pernicieuse du régime de l’uniforme. Les emplois à traitement fixe y sont moins nombreux que les emplois dont le salaire varie suivant le travail et la responsabilité du titulaire. Il est connu que l’impôt du timbre et de l’enregistrement coûte de 4 à 5 pour 100 de frais de perception, que les impôts indirects coûtent de 8 à 10 pour 100. C’est une proportion qui sert de règle à chacun, et qu’il est aisé de maintenir dans toutes les branches de ces services complexes, bien entendu en tenant compte des circonstances locales et sous déduction d’un autre tant pour cent pour les frais généraux de l’administration centrale ; mais où les principes du commerce et de l’industrie doivent prévaloir à l’exclusion de toute autre influence, c’est dans les monopoles industriels et commerciaux que l’état exploite lui-même. L’exploitation des postes et des télégraphes, la fabrication et la vente des tabacs et des poudres de chasse, ne sont pas des privilèges inhérens au gouvernement. Ce sont affaires de commerce et d’industrie, et rien autre chose. Si l’état les traite autrement que le feraient des négocians libres de toute attache officielle, l’état y perd, que l’on en soit bien convaincu, et ce que l’état perd, le public ne le gagne pas. Il y a dans toute industrie abandonnée à elle-même une force d’expansion, une vigueur de développement, que l’industrie monopolisée ne connaîtra jamais, si bien dirigée qu’elle soit. Pressé par l’aiguillon de l’intérêt personnel, le manufacturier trouve en lui-même des ressources inespérées. Acculé entre la nécessité de produire et la rivalité de ses concurrens, il s’ingénie à faire bien et à bon marché, il dissèque à un centime près tous les élémens de ses prix de revient. Obligé de recruter ses ouvriers sur la place et de les payer au prix courant, il se garde bien d’établir entre eux une hiérarchie coûteuse et de leur conférer des grades superflus ou des titres pompeux. Il y a toutefois des intermédiaires entre le patron et les ouvriers, aussi bien qu’entre le fabricant et les consommateurs ; mais ce sont des intermédiaires intéressés au succès du patron. Les ouvriers sont eux-mêmes employés à la tâche en tant qu’il est possible, ce qui excite leur émulation et récompense les aptitudes spéciales. En général, le travail à la tâche remplace le travail à prix fixe dans toute entreprise bien ordonnée. Chacun y est responsable de son œuvre d’après les lois du droit commun. Une activité saine et productive anime tous les membres du corps industriel. Ceux qui ne peuvent ou ne savent y prendre part portent la peine de leur incapacité morale ou physique ; cette peine est sévère, c’est la misère. Ceux qui réussissent reçoivent une récompense magnifique, c’est la richesse.