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n’attaquaient les places que par le bombardement. Pourquoi me faire dire qu’il fallait s’attendre à des choses effroyables ? Quelque terrible que soit un bombardement, surtout avec des projectiles explosifs, je n’ai jamais dit à la population qu’elle allait subir des choses effroyables ; mais il se peut que j’aie entretenu officieusement quelques personnes de la possibilité d’un bombardement, et que l’une d’elles, effrayée de cette perspective, ait rapporté inexactement mes paroles.

En résumé, quelques habitans de Metz, troublés par la perte cruelle de leur nationalité, n’ont pas compris que je m’étais identifié avec eux, que j’avais tout fait pour défendre leurs intérêts, d’abord pendant le blocus en réclamant sans cesse contre les exigences de l’armée, puis jusqu’au dernier moment, alors même que le conseil municipal déclarait, dans sa séance du 26 octobre, qu’il ne fournirait pas de note relative aux intérêts civils. On a semblé ne pas comprendre que mon commandement était pour ainsi dire éventuel, et ne pouvait s’exercer dans toute sa plénitude tant que le général en chef était présent. Les circonstances ont fait que le maréchal n’a pas quitté Metz, est resté le maître absolu de la situation, et a usé de son autorité jusqu’au dernier jour en réglant les moindres détails de la reddition de l’armée et de la place. Quant à moi, j’ai mis toute mon intelligence et tout mon patriotisme à remplir une tâche aussi pénible que difficile, usant de tous les moyens pour détourner les uns et les autres des préoccupations politiques, et donnant tous mes soins aux travaux de défense de la place et aux besoins de la population, et, s’il était permis de parler de ses propres misères au milieu de nos désastres, je dirais qu’une de mes grandes tristesses est l’injustice dont j’ai été l’objet.

Agréez, monsieur, etc.

Général COFFINIERES DE NORDECK.


Nous avons dû insérer cette lettre de M. le général Coffinières de Nordeck sans pouvoir la communiquer à notre collaborateur, qui est loin de Paris en ce moment. M. Mézières a étudié la question sur les lieux mêmes, à diverses reprises, à l’aide de documens inédits et des nombreuses publications faites sur le siège de Metz ; il nous est difficile d’admettre que son récit ne repose pas, dans ce qu’il a d’essentiel, sur des informations sérieuses, et nous lui réservons naturellement la faculté de maintenir ses assertions, comme de discuter celles qui lui sont opposées dans la lettre qu’on vient de lire.


C. BULOZ.