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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/87

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DERNIER DISCOURS DU PATRIOTISME ATHÉNIEN.

lans succès, la passion sincère du dévoûment et de la liberté, semblent d’abord autoriser les espérances et rendre à la ville, avec la faveur de la fortune, le principe de sa grandeur passée.

Au printemps de l’année 323, Alexandre était emporté tout à coup dans la force de la jeunesse et au comble de sa merveilleuse puissance. Aussitôt que la nouvelle en fut connue, une grande partie de la Grèce se souleva. Athènes donna le signal. Elle avait sagement résisté l’année précédente aux sollicitations d’Harpale, qui voulait l’engager dans une révolte inutile ; cette fois l’entreprise était beaucoup moins aventureuse. La Macédoine, épuisée par les besoins de l’armée d’Orient, ne pouvait fournir à son gouverneur Antipater que des forces insuffisantes, et les grands intérêts de succession et de partage qui s’agitaient en Asie y retenaient, au moins pour un temps, les secours qui lui seraient nécessaires. En Grèce au contraire, huit mille mercenaires exercés, congédiés sur l’ordre d’Alexandre par ses satrapes, étaient tous rassemblés au cap Ténare sous le commandement d’un chef habile, l’Athénien Léosthène. Une mesure récente avait d’ailleurs aigri contre la Macédoine plusieurs peuples qu’elle atteignait gravement dans leurs intérêts ou dans leur sécurité : le rappel des exilés, solennellement proclamé aux jeux olympiques, menaçait en particulier Athènes, qui avait envoyé ses colons dans les terres des Samiens expulsés, et la belliqueuse nation des Étoliens, que le retour de la puissante famille des Œniades allait livrer à la révolution. Presque partout on ne supportait la domination macédonienne que comme un joug. N’était-ce pas le moment de la secouer ? Athènes se précipita dans cette espérance. Vainement Phocion et la faction des riches essayèrent de la retenir ; la masse du peuple entraîna tout dans un mouvement irrésistible. Hypéride dans la ville, Démosthène, alors exilé, dans les cités grecques, enflammèrent les âmes pour la sainte guerre de l’indépendance. Les temps de l’enthousiasme et des sacrifices semblaient revenus. Athènes décréta que tous ses citoyens seraient soumis au service militaire jusqu’à quarante ans ; elle en fit partir 5,000 dans l’infanterie et 500 dans la cavalerie, avec 2,000 mercenaires, et, tandis que Léosthène soulevait l’Étolie, elle adressait au Péloponèse, à la Grèce du centre, à la Thessalie, même aux barbares de l’Illyrie et de la Thrace, un appel auquel répondit bientôt le plus grand nombre. Ainsi se forma une ligue redoutable malgré l’abstention de Sparte, réduite à l’impuissance par l’issue malheureuse de la tentative d’Agis, et l’hostilité de la Béotie, attachée à la cause macédonienne par le partage du territoire de Thèbes.

Deux victoires inaugurèrent l’entreprise. Les Béotiens, soutenus

tome xcv. — 1871.6