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par une partie de l’Eubée et par les garnisons macédoniennes, voulurent s’opposer à la jonction des Athéniens avec les troupes de Léosthène, déjà maîtresses des défilés de la Phocide : ils furent défaits. Antipater lui-même, complètement battu près des Thermopyles, fut réduit à se renfermer dans Lamia. Léosthène l’y gardait étroitement serré ; n’ayant pu réussir dans un assaut, il maintenait un blocus rigoureux, et la famine était sur le point de lui livrer son ennemi prisonnier. Le malheur de la Grèce voulut qu’en visitant une tranchée il fût atteint d’un coup de pierre, et au bout de deux jours il mourut de sa blessure. Aussitôt les efforts des Grecs se ralentirent, et l’indécision du commandement hâta les effets de leur mollesse. Déjà auparavant les Étoliens étaient retournés chez eux ; la rigueur du blocus se relâcha, et Antipater put attendre les secours qu’il avait demandés. Bientôt même il sortit de la ville, car la fatigue avait pris les confédérés, la ligue se fondait, et il ne restait pas assez de troupes pour continuer le siége et marcher en même temps à la rencontre des nouveaux ennemis. Ce furent les causes morales, le défaut de persévérance et d’énergie, qui perdirent la cause des Grecs. Le successeur de Léosthène, Antiphile, qui ne manquait pas de capacité militaire, remporta encore un avantage avec l’aide de l’excellente cavalerie thessalienne, commandée par Ménon. Il se défendit même honorablement contre les forces très supérieures d’Antipater, dont les troupes s’étaient augmentées de deux armées, celles de Léonat et de Cratère. La victoire décisive de Cranon n’était en elle-même qu’un succès peu considérable ; mais les ressorts de la résistance étaient déjà usés en Grèce. Le vainqueur acheva de rompre l’union de ses adversaires, qui leur donnait encore une certaine force, en ne consentant à traiter avec eux qu’isolément. Il n’eut qu’à dicter ses conditions. Athènes lui livra ses orateurs, reçut une garnison macédonienne à Munychie, paya les frais de la guerre, chassa de ses murs 21,000 de ses citoyens, et n’en garda que 9,000, les plus riches et les plus sages, et tout fut dit pour toujours. Elle ne connut désormais que des vicissitudes dans la dépendance.

Tous ces événemens n’avaient pas duré une année entière. En ce peu de temps, Athènes passa d’un retour inattendu de puissance et de gloire à un abaissement complet et irrémédiable. Jamais elle n’avait paru plus près de reprendre son rang dans le monde grec, et ce fut précisément cet effort qui consomma sa perte. On suit avec un intérêt profond cette crise suprême. La rapidité et la grandeur des péripéties, le contraste des émotions, surtout cette fièvre d’enthousiasme et d’espérance qui dut saisir les patriotes en face de tels périls, notre connaissance du résultat final vers lequel conspirait avec l’ennemi extérieur l’ennemi du dedans, c’est-à-dire la