Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/614

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Heureuse coïncidence d’ailleurs, c’est dans les murs qui proclament avec le plus d’éclat la gloire du praticien, c’est dans cette École des Beaux-Arts, chef-d’œuvre tout ensemble de l’architecte et de l’architecture contemporaine, que les dessins laissés par Duban achèvent à son égard de nous informer et de nous instruire. Ils sont comme les preuves à l’appui et les commentaires sur place des doctrines et du talent que résume le lieu même où des mains pieuses les ont réunis ; ils nous montrent par quelles profondes études, avec quelle virile passion pour son art et pour tous les devoirs qu’il impose, celui qui devait être un jour le chef de notre école d’architecture a su se rendre digne d’occuper cette place. En un mot, nous avons à la fois sous les yeux et se complétant les uns les autres les témoignages des efforts préparatoires et les témoignages définitifs. Essayons donc de mettre à profit ces termes ainsi rapprochés pour dégager la signification qu’ils impliquent, et pour trouver dans les souvenirs de ce talent comme dans les exemples de cette vie sans démenti d’aucune sorte une leçon deux fois féconde, puisqu’elle intéresse la mémoire d’un grand artiste et les conditions de l’art lui-même, sa juste fonction, sa dignité.


I

L’intraitable énergie de la conscience unie à la plus fine perception des choses, une singulière souplesse d’intelligence au service d’une volonté forte et d’un cœur invariablement droit, — l’indépendance enfin du sentiment et du caractère se conciliant avec la recherche studieuse et le respect réfléchi de toutes les formes du vrai et du beau, — voilà ce qui donne aux œuvres de M. Duban aussi bien qu’aux actes de sa vie entière leur valeur propre et leur unité. Tels sont les signes distinctifs, les qualités maîtresses de son talent, et, si l’on peut ainsi parler, les symptômes de sa complexion d’artiste. Lorsque, à l’âge où il n’était encore qu’un élève, il essayait ses forces en participant aux concours publics ou en travaillant sous les yeux de son maître, Debret, on pouvait déjà reconnaître dans ces premières tentatives la hardiesse de son imagination, en même temps qu’une certaine inclination tout aussi audacieuse à interpréter, en dehors de la méthode académique, les traditions et les exemples consacrés. Debret au reste n’était pas homme à se scandaliser beaucoup de ces libertés, ou, si l’on veut, de ces irrévérences. Bien qu’il eût été, comme la plupart des architectes de l’époque, élevé dans la foi un peu étroite et sous la discipline un peu routinière des classiques à la manière de Peyre et de Chalgrin, la variété des tâches qu’il avait eu à remplir, son talent même, dont