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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/615

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la salle de l’Opéra de Paris est un témoignage considérable, tout, — sans parler des liens de famille qui l’unissaient à son élève[1], — tout le disposait envers celui-ci à une indulgence que d’autres juges officiels ne se montraient guère d’humeur à partager. Aussi lui fallut-il vaincre plus d’un préjugé chez ses confrères avant d’obtenir pour le jeune « séditieux, » comme disaient les docteurs de la légalité esthétique, un pardon qui, sous la forme du grand prix de Rome, finit néanmoins par se tourner en reconnaissance des droits acquis et en récompense expresse. Félix-Jacques Duban remporta ce prix en 1823. Né à Paris le 14 octobre 1797, il était alors âgé de vingt-six ans ; il y en avait huit qu’après de très bonnes études littéraires faites au lycée Henri IV il était entré dans l’atelier de Debret.

Lorsque Duban arrivait, comme pensionnaire, à la villa Médicis, il y précédait d’une année seulement M. Henri Labrouste, qu’allaient rejoindre à leur tour, dans le cours des deux années suivantes, M. Duc et M. Vaudoyer. Ainsi,— fait remarquable, — quatre concours consécutifs envoyaient et réunissaient à Rome les quatre artistes qui devaient un jour exercer le plus d’influence sur notre école d’architecture et en renouveler le plus résolument les doctrines. Ces futurs réformateurs de l’art, représenté alors, — à l’exception de Percier, de Huyot et de deux ou trois autres, — par les croyans sans réserve au vieux dogme académique, ces jeunes gens, ainsi rapprochés et s’encourageant réciproquement de leurs efforts, formaient déjà un groupe de talens assez convaincus pour conspirer activement à la même fin, assez bien inspirés pour que l’opinion, commençât à s’émouvoir de leur tentative, en attendant qu’elle se décidât à en devenir ouvertement complice. Aux yeux des maîtres cependant, j’entends de ceux qui, à tort ou à raison, passaient pour tels, Duban et les siens n’étaient encore que des disciples égarés, des insurgés peu dangereux, dont il suffisait, pour le triomphe de la bonne cause, de railler à huis-clos la témérité ou parfois de dénoncer publiquement les erreurs. Malheureusement, parmi les artistes appartenant à la nouvelle génération, les prétendues erreurs s’accréditaient, le mouvement qu’à Rome on travaillait à déterminer avait ici son contre-coup. Chaque travail annuellement envoyé par les pensionnaires pour satisfaire aux prescriptions du règlement précisait de plus en plus les principes, le sens, l’objet de la réforme, et recrutait à celle-ci de nouveaux adhérens. Enfin, lorsque parurent les derniers envois de Duban, — un projet pour Un

  1. Le père de Duban, marchand de cristaux établi rue Coquilère, avait marié sa fille, l’aînée de ses trois enfans, à Debret.