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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/801

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pour eux afin de les préserver des ambitions exagérées, pour lui afin d’avoir constamment sous la main des hommes exercés de bonne heure aux détails de son industrie. S’il renonce à les instruire en excès, il tient à les divertir et à les captiver par le tour qu’il donne à cette instruction. Il est bien l’élève de Fourier qui voulait cultiver les champs aux sons des orchestres, et changer les clochettes des moutons en un clavier de musique. A l’école, tout est spectacle et occasions de fêtes. Nulle part on ne vit un tel luxe de décorations, de grades, de distinctions, d’insignes et de complimens. Il y en a, pour tous les actes, pour tous les mouvemens, pour tous les mérites, collectifs ou individuels. Il s’agit à chaque instant de juger quelle division a le pas, des garçons ou des filles, et, dans ces divisions, quels élèves l’emportent. Tous les samedis, ces jugemens se rendent devant les parens, des rubans sont donnés, des croix distribuées, et c’est une grosse affaire. Même cérémonial pour l’entrée en classe. Dans le défilé, chaque élève prend la place qui lui revient sous les bannières d’après les compositions de la semaine, et il faut voir de quel air marchent les favorisés. Le public est là, et chacun applaudit les siens. Il y a aussi dans les cours, sur des fronts plus étendus, répétition des mêmes exercices, toujours avec bannières et inscriptions. Les plus méritans des garçons et des filles portent ces insignes de préséance et figurent en tête de la procession.

Les jardins et le théâtre ont des divertissemens et des moyens d’émulation analogues. Dans les jardins, il y a des élections pour les travaux de culture ; les plus habiles sont désignés par le scrutin et prennent le commandement de la troupe : à l’œuvre il faut nécessairement qu’ils se distinguent, s’ils veulent être réélus. Au théâtre, un concours est établi entre toutes les classes et on peut dire aussi tous les âges ; il s’agit de voir si, du milieu de ces enfans, il s’en détachera quelques-uns qui seront doués pour la scène. On les y prépare, autant qu’on le peut, par des leçons générales, des cours de déclamation, des répétitions de détail ou d’ensemble. De là un choix, une élite, et finalement une petite troupe d’acteurs et d’actrices, tirée de la population même et qui donnera des représentations à des jours désignés. On se figure sans peine les émotions qui règnent parmi ces jeunes comédiens, et aussi parmi les spectateurs qui tremblent pour eux, les dévorent du regard, étudient leur moindre geste. Enfin la série de ces diversions se résume par deux solennités attendues tous les ans et saluées par de grands élans de joie, la fête du travail et la fête de l’enfance. La première récompense le travail des ouvriers et des employés de l’établissement ; la seconde récompense le travail et le progrès des élèves au moment où ils vont passer d’une classe à une autre.