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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/553

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reçu les cendres d’Alexandre le Grand, et la fameuse pierre de Rosette. On appelle ainsi, à cause de l’endroit où elle a été retrouvée, une inscription bilingue qui contient en grec et en égyptien un décret rendu l’an 196 avant notre ère en l’honneur de Ptolémée Épiphane par les prêtres de Memphis ; il y a deux textes égyptiens, l’un en hiéroglyphes, l’autre en écriture démotique. On sait que c’est ce texte bilingue qui, par les comparaisons qu’il permettait, a fait sortir l’étude des hiéroglyphes de la voie purement conjecturale où elle s’était attardée jusqu’alors. Les recherches de Thomas Young, entreprises après l’arrivée en Angleterre de la pierre de Rosette, posèrent les premiers jalons, et, trente ans plus tard, le génie de Champollion, d’un rapide et puissant élan, atteignait le but. Des efforts ultérieurs ont fait porter aux principes qu’il avait posés toutes leurs conséquences ; ils ont corrigé certaines erreurs de détail et donné la clé d’un grand nombre de caractères, nouveaux ; mais c’était toujours en marchant sur les traces de Champollion que Lepsius et Birch, De Rougé et Mariette, obtenaient ces résultats. Lorsqu’en 1866 la découverte d’un nouveau texte bilingue à Canope est venue donner un moyen de contrôle, elle a confirmé de la manière la plus éclatante la sûreté de la méthode exposée en 1832 dans la Grammaire égyptienne, mais, à vrai dire, la démonstration était déjà faite, le problème avait reçu une solution scientifique.

Quand le musée reçut la pierre de Rosette et les monumens égyptiens qui raccompagnaient, la place manquait déjà dans les salles destinées aux antiquités ; il fallut donc mettre provisoirement les nouveau-venus sous des hangars construits à la hâte. Ce fut bien pis encore quand le musée eut acquis la collection Towneley. Charles Towneley appartenait à une famille catholique qui avait autrefois beaucoup souffert pour sa foi. Le temps des persécutions était passé ; mais les universités nationales n’admettaient encore sur leurs bancs que les élèves qui faisaient profession d’appartenir à l’église d’Angleterre. Le jeune homme, comme la plupart des fils des riches familles catholiques, fut donc élevé sur le continent, au collège des jésuites de Douai. Il habita ensuite Paris, puis l’Italie, où il fit un séjour de huit ans, et il alla même jusque dans la Grande-Grèce et en Sicile. Ce fut à Naples, dans la société de sir William Hamilton et de d’Hancarville, qu’il sentit s’éveiller en lui les instincts du collectionneur en même temps qu’il acquérait la connaissance pratique des monumens. Depuis 1768, la plus grosse part des revenus d’une fort belle fortune fut consacrée à des achats qui témoignent d’un goût éclairé. Towneley s’était associé à plusieurs artistes anglais établis à Rome ; on entreprenait des fouilles