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étaient peu nombreuses et rompues au métier des armes, besoin de direction et d’encadrement ; que ces deux forces nécessaires, direction et encadrement, lui seront spécialement apportées par les familles qui consacrent leurs enfans au drapeau pour la plus grande part de leur vie.

Si ces idées et d’autres du même ordre, que je me propose de développer successivement, étaient accueillies, la France reconnaîtrait que l’énorme organisme militaire dont elle cherche à réunir et à condenser les élémens repose sur des bases absolument insuffisantes. Elle reconnaîtrait notamment qu’un système d’écoles militaires spéciales, bien plus étendu que celui qui pourvoyait aux besoins de l’ancienne armée, l’ensemble couronné par une école supérieure de la guerre, est indispensable à la création et à l’entretien des cadres supérieurs dans la nouvelle armée, — qu’au-dessous de ces centres d’instruction supérieure et secondaire, plusieurs écoles de sous-officiers et plusieurs écoles d’enfans de troupe, en vue d’assurer par des sujets bien préparés le recrutement d’une partie des cadres inférieurs, devront être instituées. J’ai déjà exprimé cette opinion[1] ; j’y insiste aujourd’hui, et j’y reviendrai encore pour exposer les principes et les règles qui doivent présider à la création des nouvelles institutions militaires que je proposerai.

Le jour où ces nombreux établissemens d’éducation professionnelle, auront pris parmi nos institutions militaires la place que leur assignent les exigences de la guerre moderne, tous les efforts des législateurs et des gouvernans devront tendre à en ouvrir l’accès, largement et par privilège spécial, aux familles militaires du haut et du bas de l’échelle sociale (familles des officiers généraux, des officiers supérieurs et inférieurs, des sous-officiers, des soldats). Il ne faut pas oublier en effet qu’il y aura, dans l’armée nouvelle, des familles de sous-officiers à peu près inconnues, des familles de soldats totalement inconnues dans l’ancienne.

Faites des familles militaires, aidez-les, honorez-les. De premiers résultats montreront, sans tarder, l’abondance des sources de force militaire qu’une législation étroite, passionnée pour la théorie politique, inconsciente des intérêts de la défense nationale, dont alors elle ne soupçonnait pas les périls, avait presque taries. Et la France d’aujourd’hui, responsable des maux qui l’accablent, aura racheté une part de ses erreurs et de ses fautes, en préparant, pour les transmettre à la France de l’avenir, les moyens de les réparer.

  1. Voyez l’étude sur la Question des sous-officiers dans la Revue du 1er janvier.