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roi de Prusse, n’est encore que la neutralité poussée à la limite extrême, et il ne désespérait pas de s’y arrêter. Mais l’arrondissement convoité s’évanouissait : un mot à Napoléon eût suffi, en août ; maintenant les alliés le disputaient

Lord Harrowby, à Berlin depuis quelques jours, ne voulait rien entendre d’un échange de l’Ost-Frise et du Brunswick contre le Hanovre. Il chicanait sur les subsides, lentement, en prêteur difficultueux, avide de garanties. Hardenberg tournait la question et renversait les rôles, demandant un gage. L’Angleterre, répondit Harrowby, est toute disposée à se prêter à l’agrandissement de la Prusse ; elle la verrait même avec plaisir s’établir en Hollande, surtout si la guerre permettait d’y ajouter quelques places fortes de la Belgique. Liée à la Westphalie, la Hollande formerait un bel État, et la Prusse n’aurait plus de motifs de désirer le Hanovre. Hardenberg, qui garda toujours un fond de « particularisme » hanovrien, ne laissa pas de goûter ce projet, il en montra les avantages au roi, mais ce prince refusa de les reconnaître. — C’était, répondit -il, une maxime du grand Frédéric que la Prusse ne doit point devenir une puissance maritime. Hardenberg fit observer qu’il ne s’agissait point de le devenir, mais de l’être, prenant un État qui avait des marins, des ports, une marine et des colonies ; mais, ajouta-t-il, bien sensément, la meilleure raison de n’en point disputer est que l’on disputerait sur la peau de l’ours de la fable.

Ces propos n’étaient pas de nature à presser la marche des troupes. Aux adjurations d’Alexandre, Frédéric-Guillaume répondit[1] : « En partageant avec Votre Majesté Impériale les sollicitudes sur la position des affaires, je jouis avec elle de la gloire dont ses troupes continuent de se couvrir. C’est avec la dernière impatience que j’attends les premières nouvelles. » Il attendait surtout « l’issue de la négociation » de Haugwitz, et, pour grand réconfort, il ajoutait cette phrase : « Cette négociation cependant ne paralyse en rien (les mouvemens des troupes) et ne m’empêchera pas de recevoir, en cas d’un malheur imprévu, vos troupes combinées dans la Silésie, où j’envoie des renforts. »

Cette attente prussienne convenait à Napoléon. Haugwitz lui arrivait agité d’inquiétudes multiples et fort impressionné par les choses observées et apprises le long du chemin. En sortant de

  1. 27 novembre 1805.