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second impôt coexistant avec le premier, le système se développait sans cesse. Il atteignit enfin son apogée en 1891 et en 1893, sous le ministère de M. de Miquel, qui forgea par ses dernières lois une machine unique saisissant tout, capitaux, revenus, choses, bêtes, gens, véritable chef-d’œuvre administratif en quoi se résument, se synthétisent toutes les inventions du génie de fiscalité et d’autocratie depuis « le premier qui fut roi. »

Tout y est. Tout est prévu par la loi du 24 juin 1891, réglé, précisé, ordonné ; c’est un code, en 85 articles ; on ne peut rien souhaiter, imaginer de plus ; et pas une fissure par où rien s’échappe ! Impôt sur le revenu global, absolument global ; tous les élémens imaginables de revenu sont déterminés, rassemblés, calculés, pour chaque personne, chaque individu particulièrement appréhendé, mesuré, mensuré, pesé, fouillé, de manière que le bilan de chacun soit rigoureusement dressé chaque année dans les plus menus détails, après inventaires, réquisitions, contrôles, vérifications, perquisitions dans tous les livres, tous les comptes, toutes les caisses, tous les tiroirs, sous tous les meubles, tous les lits, presque dans les barreaux de chaise, comme dans la Lettre volée. Et progression, bien entendu ! Non point sans doute la progression inventée par Denys, et qui, au dire d’Aristote, ruinait son homme en cinq ans, mais progression marquée cependant, puisqu’elle va de 0,57 à 5 pour 100, — par vingt-six degrés.

Mais, de ce que ce système existe en Prusse, faut-il en conclure qu’il soit bon, désirable pour nous ; et surtout qu’il y soit établi dans les mêmes conditions de milieu que celles où il serait établi chez nous ? L’opinion des Prussiens n’est pas dissimulée : ils pensent de leur Einkommensteuer ce que les Anglais pensent de l’income-tax. Il suffit de lire leurs journaux.

Dans la monarchie prussienne, expliquait l’officieuse Gazette de l’Allemagne du Nord (en février 1893), le contribuable fait sa déclaration. Celle-ci est soumise à une révision au cours de laquelle, si la Commission trouve que la self-taxation a été trop basse, le fonctionnaire chargé de fixer la cote du contribuable lui adresse des questions auxquelles il faut répondre. L’un ou l’autre de ces commissaires est allé jusqu’à demander combien le contribuable dépense d’argent de poche ; combien il dépense en abonnemens de journaux ou pour des loteries ; combien il emploie pour l’éducation de ses enfans, etc., etc. Ailleurs le