Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je vous l’ai dit, je n’ai pas tant la présomption d’y prétendre, que de vous rappeler ce que vous allez devenir à mon frère. Il connaît bien tous les droits d’un père, mais il a le cœur excellent : je ne vous aime pas plus que lui ; c’est tout dire, et trouvant en vous les égards et la soumission qu’il a lieu d’en espérer, jamais il ne se servira de ses droits que pour contribuer à votre bonheur. Votre conduite vis-à-vis de ma belle-sœur sera encore plus aisée. Délicate de santé, craignant le monde où cependant elle a réussi toutes les fois qu’elle l’a voulu, aimant la vie retirée, les égards que vous lui devrez suffiront pour vous en faire adorer.

« La tendre amitié qui règne entre mes deux neveux vous répond du soin que le Duc de Berry mettra à vous plaire, et sans doute vous aurez pour lui les sentimens qu’il mérite. Celui qui m’unissait à votre mère m’a appris qu’un beau-frère devient facilement un véritable frère. Je n’ai pas besoin de vous parler de ce que vous devez à l’âge et aux vertus de mes tantes. La Reine, que vous verrez dans les premiers momens plus que tout le reste de la famille, vous a toujours particulièrement aimée, et plus vous la connaîtrez, plus vous verrez combien elle est aimable et facile à vivre.

« Je n’ai rien à vous dire sur les personnes qui vous approcheront de plus près. Vous savez tout ce que vaut la duchesse de Sérent, sa fille est digne d’elle, et quant au duc de Damas qui est destiné à être votre chevalier d’honneur, votre malheureux père, dont il avait été menin, faisait de lui le plus grand cas.

« Enfin, il faut aussi, ma chère enfant, que je vous dise un mot de moi-même. Je vais perdre sans regret mon autorité directe sur vous, mais jamais je ne renoncerai à vous servir de père, et comme tel, j’ose espérer que je posséderai toujours votre confiance. Votre raison sera toujours votre meilleur guide. Mais une longue expérience des hommes et des choses peut vous être utile, et je serai toujours prêt à vous donner des conseils, lorsque vous en demanderez. Si vous éprouviez des peines et que vous veuilliez les déposer dans mon sein, je regarderais cet épanchement comme la preuve la plus certaine de votre tendresse. De votre côté, je vous regarde comme destinée par la Providence à remplacer ma pauvre sœur, à être comme elle le lien de toute la famille, la confidente de tous, l’ange de paix pour apaiser les petits différends qui naissent toujours de temps en