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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/578

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quelques bonnes vieilles, qui se préparent à fixer bientôt dans cette montagne leur résidence éternelle, grimpent avec effort, à pas menus, courbés, leur parapluie sous le bras ; ils ont l’air bien naïf, bien respectable ; ils traînent des bébés par la main ; et les socques en bois de ces braves gens, enfans ou vieillards, font clac, clac, sur le granit des marches.


Je me rends ensuite chez Mme Renoncule. Très corrects, très bien, avec juste la dose d’émotion qui convenait, mes adieux à ma belle-mère — et à son jardinet, que je suis sûr de revoir dans mes songes, aux périodes de spleen.

Plus gentils, mes adieux à ma petite Pluie d’Avril, qui reste prosternée au seuil de sa porte, avec M. Swong dans les bras, tant que je suis visible au bout de la rue solitaire. Pauvre mignonne saltimbanque ! Obligée par métier d’être un peu comme ces jeunes chats qui font ronron pour tout le monde, je crois cependant qu’elle me gardait un peu plus d’amitié qu’à tant d’autres.

Pour la fin, j’ai réservé Mme Prune et ses effusions probables. Depuis cette visite du mois dernier, où je la trouvai aux prises avec son médecin, croirait-on que je n’ai plus songé à m’informer d’elle…

Je commence donc l’ascension de Dioudjindji, et c’est par ce sentier à échelons si raides, qui jadis arrachait tant de soupirs à la petite Mme Chrysanthème, quand nous rentrions le soir, avec nos lanternes achetées chez Mme l’Heure, après avoir fait la fête anodine dans quelque maison de thé. Il me semble que rien n’a changé ici, pas plus les maisonnettes que les arbres ou les pierres. L’air est doucement tiède, et un petit vent sans malice promène autour de moi des feuilles mortes. Mme Prune, l’avouerai-je ? est bien loin de ma pensée ; si je remonte vers son faubourg tranquille, c’est pour dire adieu à des choses, des lieux, des perspectives de mer et des silhouettes de montagne, où quelques souvenirs de mon passé demeurent encore ; je suis tout entier à la mélancolie de me dire que, cette fois, je ne reviendrai jamais, — et ce sentiment du jamais plus, emprunte toujours à la Mort un peu de son effroi et de sa grandeur…

Là-haut, dans le jardinet de mon ancien logis, dont j’ouvre le portail en habitué, une vieille dame à l’air béat est assise au soleil du soir et fume sa pipe. Robe d’intérieur en simple coton