Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/881

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LANGUEUR


Il souffle un vent d’automne étrange, cette nuit,
Dans la chaleur torride encore de l’été,
Un grand vent frais, et lourd de pluie, et plein de bruit,
Où le prochain orage a l’air d’être égoutté.

Et tout à coup, je sens une tendresse triste,
Un chagrin anxieux, tout chargé de mystère,
Frissonner dans l’ardeur de mon rêve, où persiste
L’espoir toujours fervent d’être heureux sur la terre.

Il est en nous aussi des Octobres soudains,
Lorsqu’au plus fier été d’une âme l’ennui rôde,
Et nos cœurs sont parfois comme d’obscurs jardins
Où le vent automnal meurt dans de l’ombre chaude.


PETITE VILLE


Petite ville surannée
Qui blottis contre la forêt
Ton église un peu ruinée,
Tes cours où l’herbe reparaît,
Et tes toits de mousse fanée,

Je t’aime, d’année en année,
D’un amour plus sûr, plus secret,
Et, vers le passé retournée,
D’une tendresse qu’on dirait
Natale, et lentement innée…

J’aime tes vieux puits, tes jardins
Bocagers presque et citadins,
Ta grand’route aux coudes soudains,
Tes pavés où le pas dévie,

Paisible ville aux volets verts,
Patrie étroite de mes vers,
Humble coin du vaste univers
Qui, fidèle, attendais ma vie !