Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/896

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dévouait à ce rêve, se félicitait que « le sentiment de la nécessité d’une forte cohésion des Allemands fût enfin devenu prédominant, » et saluait dans la cérémonie de 1842 « le symbole d’un nouveau développement allemand. » Il faut lire les pages orgueilleuses et naïves dans lesquelles il souhaitait que le parvis futur se constellât d’inscriptions et de sculptures commémorant les fils les plus illustres de la race germanique, et qu’un tribunal d’honneur, commun à toute l’Allemagne, possédât l’auguste mission de prononcer cette sorte de canonisation nationale. La Walhalla en Bavière, le dôme de Cologne sur le Rhin, se fussent ainsi partagé la fonction de Panthéons ! Le discours prononcé par Frédéric-Guillaume IV vibrait à l’unisson de ces rêves échauffés : Metternich, qui était présent, constatait avec quelque inquiétude ce qu’il appelait un « enivrement mutuel. » Le roi de Prusse, d’ailleurs, sautait au cou du chancelier d’Autriche : Berlin et Vienne, à l’avant-veille de leurs irrémédiables conflits, échangeaient devant cette cathédrale, incarnation de l’unité germanique, un dernier baiser. Enfin, Louis Ier de Bavière, le romantique du Midi, allait bientôt demander officiellement aux divers États allemands de subvenir, par des cotisations périodiques, aux dépenses d’achèvement du grandiose édifice, et solliciter en faveur du dôme les générosités du pangermanisme d’alors (All-Deulschland).

De par la volonté des rois de Prusse et de Bavière, un édifice catholique était érigé en symbole patriotique, dans cette ville même où l’archevêque et ses fidèles, peu d’années auparavant, étaient taxés de séditieux et de mauvais Allemands. Il semblait que le soleil romantique eût fait choix des eaux du Rhin, — le vieux Rhin des burgraves, — pour s’y coucher et s’y éteindre, et qu’avant de se venir reposer dans ces flots qui gardaient l’Allemagne, il eût voulu réchauffer les persécutés de la veille et les embraser d’espoir. Les catholiques, exercés à prévoir les duperies, redoutaient, d’ailleurs, que l’Etat, tôt ou tard, ne voulût faire de cette cathédrale une église simultanée, et tôt ou tard y fêter, comme disait en une boutade le poète Uhland, le « mariage mixte » entre les deux confessions ; et lorsque Frédéric-Guillaume leur proposera de prendre à sa charge les frais de la construction de la nef en leur laissant le soin d’élever les tours, ils refuseront, de peur que l’Etat, architecte de cette nef, ne s’y installe en maître. Mais l’avenir rassura leurs craintes. La fête