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derechef avec Ronge. Il y avait à côté de Czerski un habile homme du nom de Romberg, qui lui faisait espérer qu’en se rangeant aux grandes lignes de la confession d’Augsbourg, l’Église de Schneidemühl serait bien vue de l’État ; et Czerski revenait au Christ par considération pour le roi de Prusse. En revanche, les dissidens de l’évangélisme, Rupp, Wislicenus, Uhlich, estimaient encore trop long le Credo de Ronge, trop restreinte l’autonomie des communautés : le panthéisme moniste réclamait l’accès de l’Église nouvelle, au nom de l’émancipation des âmes. Il en était de cette société religieuse comme des partis politiques avancés ; des surenchères d’audace y rivalisaient à l’envi.

D’ailleurs, à mesure que s’accentuait le mouvement, l’on en voyait surtout la portée politique. « Le catholicisme-allemand, écrivaient au parlement saxon certains pétitionnaires, est une création religieuse populaire, dont le but est une Église nationale allemande chrétienne, miroir de l’espérance politique allemande, but des anciens princes allemands, source de force pour les princes et peuples allemands vis-à-vis de l’étranger. L’Allemagne, à cet égard, peut prendre exemple auprès de l’Angleterre et de la Russie. Qu’est-ce que le Zollverein, à côté de ce que sera l’union morale et religieuse des Allemands ? » Replaçons ces lignes en leur temps : le parti humanitaire, médiocrement patriotique, qui s’était appelé la « Jeune Allemagne, » achevait de disparaître de la scène ; le « nationalisme-libéral, » avec sa haine systématique contre le catholicisme et son besoin passionné d’unifier la nation allemande, commençait d’épanouir ses ambitions grandioses. Une confession nouvelle se présentait, remarquable surtout par l’élasticité de ses croyances et par sa complaisance à l’endroit de toutes les négations : c’était la secte « catholique-allemande. » Le rôle que jouait, dans le domaine politique, l’idée nationale-libérale, elle le pouvait jouer, elle, dans le domaine religieux. L’Allemagne est un pays où, lorsqu’on nie Dieu, on a besoin de se réunir pour le nier en commun et de chanter ensemble un cantique pour lui crier qu’on le nie : l’Église « catholique-allemande » ménagerait à l’irréligion un cadre religieux, et deviendrait, en même temps, un facteur de l’unification allemande. L’historien Gervinus, dans une brochure sur la Mission des « catholiques-allemands, » prônait la nouvelle Église au nom même du patriotisme. Avec une sorte de matérialisme historique qui fait pressentir Karl Marx, il parlait de la