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d’une incalculable richesse. Mais s’il échoue ou refuse de tenter l’épreuve, il sera emprisonné pendant sept années.

Et tel est l’effroi qu’inspire le coursier du fakir que tous les princes préfèrent la prison au risque de perdre la vie en se confiant à la bête surnaturelle. Le sort de Terani fut celui des autres rajahs.

Sa femme, cependant, peu de jours après son départ de Genji, mit au monde un fils. Quand il eut atteint l’âge de cinq ans, l’enfant demandait sans cesse ce qu’était devenu son père ; et les pleurs de sa mère répondaient seuls à ses questions. « Chère mère, quelle tristesse est la vôtre ? Tous les écoliers, mes amis, ont père et mère, moi seul ne connais pas mon père ! » Alors la princesse se décide à parler : « Mon fils, pour voir votre père, hélas ! il vous faut attendre encore deux années. » Et elle raconte le malheur de Terani Radjah. « Ma mère, permettez-moi de partir pour Delhi. Je délivrerai mon père et mon oncle, prisonnier avec lui ; et le cheval magique sera à moi. — Y pensez-vous, mon fils ! Vous êtes un enfant en bas âge ! « Et la princesse, fatiguée de pleurer, tombe sans connaissance.

Alors l’enfant fit trois tours autour de sa mère, se prosterna à ses pieds, et s’en fut à la pagode où Vichnou était adoré sous le nom de Ranganaden. Exposant au Dieu les motifs de son voyage, il l’adjure de le protéger dans son entreprise, d’être toujours avec lui, de l’aider à dompter le Barassari. Vichnou promit au jeune Desing de l’assister en toutes circonstances.

Mais avant que d’entreprendre son voyage, l’enfant ouvre son cœur à Movottoucaren, son ami pour la vie. Ensemble ils feront la route. Bien montés, munis d’argent, ils atteignent Delhi en dix jours. Là, l’Empereur tient son Durbar auquel assistent le père et l’oncle de Desing, et aussi les cinquante-six princes prisonniers. « Dans le palais, tel un lionceau, s’élance le jeune Desing. A la vue de cet enfant si beau, toute l’assemblée se lève pour saluer. L’Empereur fit de même. »

Les deux enfans saluent le Mogol : « Seigneur, dit Desing, j’ai appris qu’à Delhi est un cheval divin. De loin je suis venu pour l’essayer comme monture. » Tel un coup de foudre, ces paroles ébranlent l’Empereur : « Quoi ! si jeune, d’une beauté céleste, veut-il tenter l’impossible, et compte-t-il réussir où tant de braves ont échoué ? Et, s’il échoue, son sort sera pareil I