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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/134

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de la topographie. On pourrait suivre les actions de Desing sur le plan de la place de Genji. Il est plus difficile d’y suivre les exploits des détachemens français, qui s’emparèrent de la forteresse trente ans plus tard. C’est ce dont je vous parlerai dans ma prochaine lettre, avant d’adresser un dernier adieu à ce Genji pour qui je soupirai vingt ans durant et qui n’a pas trompé mon attente. L’insalubrité légendaire du lieu n’est pas au-dessous de sa réputation. Tous mes hommes sont sur le dos, grelottant de fièvre, et je vois arriver le jour où moi-même ne pourrai plus marcher parmi mes vieilles ruines...


Genji, 22 septembre 1901.

...Demain matin, j’abandonnerai Genji, sans espoir de retour, et je regagnerai Pondichéry, après avoir visité le temple djaïna de Sittamour. Là, on me l’affirme, je retrouverai l’escalier monumental de cette pagode de Vichnou Ranganaden, vénéré par le rajah Desing.

Ma dernière soirée à Krichnapouram se passera à vous renseigner sur le fameux. assaut des Français qui leur livra, le 12 septembre 1750, les forts de Genji. Ce haut fait n’est rappelé par aucune plaque commémorative. Et, cent cinquante et un ans après l’événement, jour pour jour, j’étais le seul Français à parcourir les ruines de ces ensembles que nos compatriotes enlevèrent de haute lutte sous le règne de Louis XV.

L’admiration enthousiaste des contemporains, principalement des Anglais, pécha sans doute par excès. Aujourd’hui, par un excès contraire, l’oubli enveloppe cet épisode de notre histoire coloniale qui mérite cependant d’être un peu remis en mémoire, si peu que ce soit la mode de s’intéresser aux belles actions de la guerre.

Pour bien comprendre les événemens qui suivent, reportez-vous à cette année 1748 ou Ahmed Shah succéda à son père, Mohammed Shah, grand Mogol de Delhi, mort en avril, et bientôt suivi dans la tombe par le fameux vice-roi du Deccan, ce Nizam-oul-Moulouk qui vécut cent sept ans. Sans s’écarter de la coutume qui, depuis longtemps, avait rendu cette vice-royauté héréditaire, cinq prétendans, tous descendans directs, se trouvaient égaux en droit. Le petit-fils du soubab centenaire, le rajah Mozuffer-Sing, gouverneur de Bijapour, âgé de vingt-cinq ans, sévit préféré par le Mogol Ahmed-Shah, d’autant plus que