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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/135

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l’aïeul avait expressément désigné pour son héritier le jeune prince, né de sa propre fille. Ce choix répondait bien à la tradition islamite qui reconnaît aux seuls issus des femmes de la famille la consanguinité véridique. Mais, malgré l’investiture impériale et la volonté de son grand-père, Mozuffer-Sing ne jouit pas en paisible propriétaire de sa vice-royauté. Son oncle Nazir-Sing, le second des fils du Nizam défunt, disgracié en punition de ses continuelles révoltes, déclara qu’il ne se laisserait pas frustrer du pouvoir. Nazir-Sing avait l’avantage de la position. Il était au lit de mort de son père, et d’aucuns l’accusaient même de l’avoir empoisonné. Nazir-Sing mit d’abord la main sur l’argent, se défit des conseillers qu’il se jugeait hostiles, gagna les autres, se concilia l’armée par des largesses, tout cela avant que le malencontreux Mozuffer-Sing eût pu entrer dans Hyderabad.

Le petit-fils du Nizam-oul-Moulouk s’adressa à la cour de Delhi qui l’affermit moralement dans ses droits, lui promit des troupes, s’engagea à punir sévèrement son spoliateur, et le renvoya ainsi muni. Aussi bien le Mogol, dénué de tout pouvoir effectif, ne pouvait-il donner au prétendant des marques plus probantes de sa sollicitude. C’est alors que Chunda-Sahib, le réputé parjure de Trichinopoly, protégé de Dupleix, que les Mahrattes gardaient toujours prisonnier en attendant sa rançon proposa à Mozuffer-Sing de l’aboucher avec ses gardiens.

En se chargeant de négocier une alliance entre Mozuffer-Sing et les Mahrattes, Chunda-Sahib poursuivait surtout le dessein de regagner sa liberté. Au vrai, Chunda-Sahib servait d’espion à Dupleix et le renseignait sur tout ce qui se passait à Sattara et à Pounah. Dupleix ne redoutait rien plus qu’une invasion des Mahrattes. Ces cavaliers, qui menaient leur politique de l’Inde aux Hindous avec l’épée, n’étaient point dans ses cordes. Que les Mahrattes envahissent le Deccan et le Carnate, et lui, Dupleix, perdait toute autorité. Il se substitua donc à ces Mahrattes dont Mozuffer-Sing était en passe de mendier le soutien. Il marchanda, maquignonna un accord par lequel Chunda-Sahib fut remis en liberté moyennant une rançon de sept cent mille roupies dont le payement fut garanti par la Compagnie. Par cet accord, aussi, Dupleix promettait à Mozuffer-Sing de l’aider de toute son influence. Chunda-Sahib comprit à demi-mot. Il s’agissait pour lui de récupérer la nababie de Trichinopoly jadis