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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/466

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se manifester avec plus de force encore à celui de Florence. En dépit des obscurités qui enveloppent ces événemens lointains, bien que les archives du Vatican récemment ouvertes aux historiens aient permis d’y répandre plus de lumière, on a le droit de supposer qu’en se rendant à Moscou comme envoyé de l’Empereur et comme métropolite de Kief, Isidore avait en outre reçu du Pape la mission d’engager le roi de Russie à prendre part au prochain Concile ou de se faire désigner pour l’y représenter.

En ceci, le Saint-Siège se conformait à sa politique séculaire. Dans tous les temps et dans toutes les circonstances, de Rome, d’Avignon, des diverses étapes où la conduisit sa tragique histoire, on voit la Papauté poursuivre l’union avec les nations dissidentes, sans jamais se lasser des déceptions que lui ménage si souvent cette poursuite persévérante. On vient de le constater en ce qui touche l’empire byzantin. A la suite du P. Pierling, on pourra le constater en ce qui touche la Russie, et c’est à proprement parler une révélation, car, .jusqu’à ce jour, nous ne savions rien ou presque rien de ces incidens que, faute d’une documentation suffisante, aucun historien n’avait osé jamais aborder. Il a fallu, à celui dont l’ouvrage est sous nos yeux, une érudition spéciale, des études ecclésiastiques poussées à fond, la connaissance de plusieurs langues anciennes et modernes et, enfin, la lecture d’innombrables pièces d’archives tirées de l’oubli, en même temps qu’un long contact avec les pays slaves, pour entreprendre pareil travail et le mener à bonne fin. Les hommes et les choses qu’il fait surgir de la poussière du passé, y étaient profondément ensevelis, et cette exhumation témoigne d’une patience égale à la science du narrateur.

Voilà donc Isidore en route pour la Russie. Métropolite de Kief, il est, par suite de cette nomination, sous la dépendance du souverain moscovite. Mais, né dans l’empire grec, chargé d’une mission de l’Empereur, il est sujet byzantin. En outre, il est le porte-paroles du Saint-Siège. A tant de titres, il est un personnage considérable, et c’est ce qui lui assure à Moscou, non moins que sa bonne renommée, un accueil amical de la part de Vasili II, encore que ce prince à qui il a été imposé comme métropolite, le tienne en défiance et le lui fasse sentir. Mais Isidore ne se décourage pas. Ses instructions portent qu’en s’attachant à faire servir la Russie à la défense de l’Europe contre les Turcs, il doit y poursuivre l’œuvre d’union, et, pour commencer, obtenir du grand Kniaz qu’il se fasse représenter au Concile. Vers ce but tendent ses efforts, lesquels, en dépit de difficultés incessantes,