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elles s’étaient fédérées dans la Chambre fédérale des sociétés ouvrières de Paris où dominait l’influence de l’Internationale[1]. » On sait que la fameuse association ouvrière dite l’ « Internationale, » constituée à la fin du second Empire, avait des tendances manifestement socialistes et approuvées de Karl Marx.

Sous la troisième République, les représentans de la démocratie s’occupèrent d’assurer à ces groupemens ouvriers autre chose qu’une tolérance de fait, de leur octroyer une charte leur assurant une vie légale. En 1876, M. Lockroy, député de Paris, fit une proposition de loi dans ce sens. Elle fut mal vue des intéressés ; le premier Congrès ouvrier qui s’ouvrit le 2 octobre 1876 à la salle des Ecoles, rue d’Assas, à Paris, la repoussa unanimement, comme « un traquenard, » une loi policière, destinée à mettre les groupemens ouvriers sous le joug administratif. D’autre part, les souvenirs encore cuisans de la Commune de Paris ne disposaient guère le Parlement à généraliser les associations ouvrières par une loi les sanctionnant. Un garde des Sceaux, dans un ministère opportuniste, M. Cazot, en 1880, déposa un projet de loi pour doter les associations ouvrières d’un statut légal ; il ne put le faire aboutir.

Il était réservé à un jeune homme d’Etat, M. Waldeck-Rousseau, alors ministre de l’Intérieur pour la seconde fois, de réussir dans cette œuvre, par la loi du 21 mars 1884, relative à la création des syndicats professionnels. Cette loi donna lieu à de longues délibérations ; elle subit des modifications graves au cours même des débats ; on crut avoir agi avec pondération et circonspection ; que l’on remarque d’abord ce titre significatif : les syndicats professionnels ; il ne s’agit pas de toutes les associations, quelles qu’elles soient, entre ouvriers ou entre patrons ou entre les uns et les autres, mais d’associations spéciales que la loi de 1884 cherche à définir exactement : « Les syndicats ou associations professionnelles, même de plus de vingt personnes, exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes, concourant à l’établissement de produits déterminés, pourront se constituer librement, sans l’autorisation

  1. Mermeix, le Syndicalisme contre le Socialisme, Origine et développement de la Confédération générale du Travail, Paris, 1908, p. 66. Il est éclos, en ces derniers temps, de nombreux ouvrages sur le syndicalisme : outre celui que nous venons de mentionner, on peut citer : L’évolution du Syndicalisme en France, par Mlle Kritsky ; le Syndicalisme dans l’évolution sociale, par M. Jean Grave ; l’Action syndicaliste, par M. Victor Griffuelhes.