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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/73

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vous ne faites guère. Le temps est redevenu très beau, un soleil brillant dans un air frais. Le Val-Richer s’est un peu dégarni il y a quelques jours ; mon ménage Cornélis est parti pour aller mettre ses deux fils aînés au lycée Bonaparte, treize personnes de moins ici, maîtres ou valets. Je suis resté avec mon ménage Conrad et le ménage Guillaume, ce qui laisse encore ici quinze personnes sans compter la ferme. Voilà ma solitude, le désert des Patriarches. J’ai eu de plus, cet été, beaucoup de visites, et j’attends le 19 ou le 20 de ce mois la dernière, Reeve, sa femme et sa fille. Je crois qu’ils iront vous voir à Peyrusse en poussant leur promenade vers le Midi : j’ai eu le doyen de Westminster, Arthur Stanley et sa femme lady Augusta Bruce, tous deux très aimables, des Anglais qui aiment la France, sans cesser d’être Anglais. Les visites ne me prennent pas mes heures de travail, de six à onze heures du matin. Je suis rentré dans l’histoire contemporaine ; j’écris le septième volume de mes Mémoires, des élections de 1842 à celles de 1846. Je le publierai au mois de mars, et je retournerai alors à la religion, à l’état actuel de la religion chrétienne, car j’intervertirai l’ordre de mes méditations ; je veux dire ce que je pense de l’état actuel du christianisme avant de remonter à son passé et de sonder son avenir. Le huitième et dernier volume de mes Mémoires viendra ensuite et comprendra : 1° les mariages espagnols ; 2° l’Italie et le pape Pie IX de 1846 à 1848 ; 3° la Suisse et le Sonderbund ; 4° les réformes et ma chute. J’ai à cœur de finir ces deux ouvrages, et je les distribue dans les années comme si elles m’appartenaient. Nous passons comme l’éclair, il faut lâcher de laisser un peu plus de traces. Je ne sais rien de nouveau sur nos Académies ; on n’en parle pas encore ; il me revient pourtant que la section de philosophie aurait envie de faire une de nos trois élections à la fin de novembre. Je présume que pour toutes les trois, vous faites comme moi, vous gardez votre liberté.

Quant à la politique, j’y pense encore moins que je n’en entends parler. Ce n’est pas que le fond des choses ne soit très curieux et ne m’intéresse fort, mais les hommes m’ennuient ; je dirais volontiers que, mis à côté des événemens, ils m’humilient ; ils sont trop petits ; ils ne savent ni ce qu’ils veulent, ni ce qu’ils font, et ils font ce que tantôt ils veulent, tantôt ils ne veulent pas.

Voilà la question romaine rallumée ; j incline à croire qu’on