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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/74

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l’éteindra encore plus d’une fois. M. de Bismarck est aujourd’hui le seul ambitieux de l’Europe. Il veut réellement quelque chose et il y pousse. A la bonne heure !

Adieu et tout à vous. Quand reviendrez-vous à Paris ? J’irai y passer deux ou trois jours vers la fin de novembre, mais je n’y rentrerai définitivement qu’au 15 janvier.


1865


Broglie, 26 septembre 1865.

Je suis venu passer ici deux jours, mon cher confrère ; c’est une vacance que je me donne, et j’en profite pour vous écrire. Au Val-Richer, je travaille et j’ai des visiteurs. Je travaille comme un homme décidé à finir, si Dieu ne le lui interdit pas, deux travaux qu’il a à cœur : mes Mémoires et mes Méditations. Je n’ai pas de temps à perdre, j’aurai soixante-dix-huit ans dans huit jours. J’écris un volume de Méditations sur l’État actuel de la Religion chrétienne ; j’espère le publier l’hiver prochain et le dernier volume de mes Mémoires politiques l’hiver suivant. Ainsi soit-il. Je me porte bien. Le duc de Broglie est assez bien, quoique très goutteux et voûté. Il ne lui reste de la goutte qu’un peu de mollesse et de faiblesse dans la plante des pieds. Il marche lentement et quelquefois un peu douloureusement. Nous causons à perte de vue ; plaisir d’oisif, mais plaisir très réel. Je regrette que vous ne soyez pas ici pour en prendre et nous en donner votre part ; vous êtes un très bon causeur ; et vous me donnez le plaisir, très réel aussi, que nous sommes bien souvent du même avis.

Il n’y a point de nouvelles. On dit l’Empereur décidé à envoyer chacun de ses ministres au Corps législatif pour y défendre chacun ses projets de loi. Point de cabinet, point de politique collective. Des ministres-avocats plaidant chacun lui-même sa cause. Je n’ai point d’objection à ce commencement de retour ; rien du dehors. Il n’y a qu’un acteur en Europe, M. de Bismarck ; quelqu’un qui vient de le voir, lui, son Roi et sa Reine sur les bords du Rhin, m’écrit qu’ils n’avaient tous les trois point d’autre air que de chercher d’agréables distractions. L’Autriche finira par vendre le Holstein à la Prusse, comme le duché de Lauenbourg ; voilà à quoi aboutiront le droit héréditaire du duc d’Augustenbourg et le droit populaire des Allemands ;