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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/85

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RUSKIN ET LA VIE

III[1]
LA SOCIÉTÉ


I

L’éducation, la morale ont façonné l’homme : que doit être la société ? Là-dessus les théories professées par Ruskin traduisent les mêmes tendances et besoins profonds de son âme qu’ont attestés son esthétique et sa morale, nous répétant ce qu’on peut appeler son idée générale du bien. Le bien d’une société, c’est sa vie manifestée par une forme. Plus elle possède de forme, c’est-à-dire plus elle est organiquement et fortement liée, plus son ordre est profond et durable, et plus elle est parfaite. Or, et ceci pose le premier axiome de la théorie, dans une société, l’ordre est une hiérarchie, un échelonnement de commandemens et d’obéissances.

Par là Ruskin, si dur aux riches, et dans sa critique de la propriété, révolutionnaire de la même façon que Karl Marx, s’affirme aristocrate. Des trois principes qu’énonce la devise de la France nouvelle, il repousse passionnément les deux premiers. « Point de liberté, mais obéissance instantanée à une loi et à des chefs ; point d’égalité, mais reconnaissance de tout ce qui est supérieur et réprobation de tout ce qui est inférieur[2]. » Au principe d’égalité il oppose celui d’autorité. Il affirme « des

  1. Voyez la Revue du 15 février et du 15 avril.
  2. « I detest the one and deny the possibility of the other. » (Time and Tide, 141).