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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/632

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Président en a vu bien d’autres. Comme-il a lui-même de ce sang rouge dont s’enorgueillit votre juge, il en connaît le fort et le faible, soyez tranquille. Ce n’est pas la première fois qu’il a maille à partir avec les hallucinés qui cultivent chez nous le Sinn Fein en amateurs. Il y a sept mois à peine, un de leurs chefs de bande, Jeremiah O’Leary, lui décochait, au cours de sa deuxième campagne présidentielle, un télégramme insultant où il lui signifiait que les Irlando-Américains, flétrissant sa politique pro-anglaise, le reniaient comme un faux frère. Woodrow Wilson riposta, si vous vous en souvenez, du tac au tac : « Je me sentirais mortifié de vous compter, vous ou quelqu’un de votre sorte, au nombre de mes électeurs. Puisque vous avez des relations avec tant d’Américains déloyaux, et que, moi, je n’en ai aucune, veuillez, s’il vous plaît, leur transmettre ma réponse. » Crânement envoyé, n’est-ce pas ? Jérémiah O’Leary en fut pour sa jérémiade, et le Président fut réélu.

— Malgré les Irlandais ?

— Non, avec le concours de la plupart d’entre eux… Vous n’étiez pas ici, en mai 1914, lors de l’inauguration, à Washington, de la statue du commodore John Barry, un des émigrés d’Irlande qui ont le plus honoré la marine américaine, le hardi navigateur que hanta la découverte du Pôle Nord ? J’ai encore toute vive dans la mémoire la belle déclaration que fit, devant le monument, le président Wilson : « Cet homme, dit-il, n’était pas un Irlando-Américain : c’était un Irlandais qui était devenu un Américain. Je ne crains pas de me porter garant que, lorsqu’il avait à voter sur une question, il se déterminait d’après l’aspect qu’elle présentait pour cette rive-ci de l’Océan, non d’après celui qu’elle présentait pour la rive opposée. Là est à mes yeux la pierre de touche du vrai Américain : qu’il vote ou qu’il se batte, il n’a dans le cœur et dans la pensée qu’une image : celle des États-Unis. » Eh bien ! croyez-m’en : dans le fond, les Irlandais américanisés sont de cet aloi : c’est dans cet esprit qu’ils ont volé hier, c’est aussi dans cet esprit qu’ils se battront demain. Et, si d’aventure il s’en trouvait parmi eux qui voulussent continuer à braver la nation, je ne les plaindrais pas moins que les Américains de parents allemands qui persisteraient à comploter contre elle. J’entends de bonnes âmes qui s’effarent de ce que feront les