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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/136

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LE RAPATRIEMENT DE LA TOUR

LES
PASTELS DE SAINT-QUENTIN
AU LOUVRE


I. — LES TRIBULATIONS D’UN MUSÉE DE PROVINCE

Le musée La Tour à Saint-Quentin était un des bijoux de la France. On errait un moment derrière la belle collégiale, dans d’étroites rues bourgeoises, discrètes et surannées, on sonnait à la porte d’un hôtel du second Empire. Un concierge dévot accompagnait le visiteur dans cette demeure silencieuse. Il ouvrait avec précaution les volets des chambres toujours closes...

C’étaient trois chambres peuplées d’apparitions charmantes, une réunion de visages comme sans doute il n’y en a pas une pareille au monde : on eût dit attachée aux murs, fixée par quelque sortilège, une fête de l’autre temps, une assemblée de personnages qui se fussent donné rendez-vous dans ce coin de province pour y continuer leur existence d’ombres. Tout le XVIIIe siècle, ses fantômes et ses grâces, la Cour et l’Opéra, la robe et la finance, les grandes dames et les favorites, les habits de cérémonie et le négligé du chez soi, comme dans le laisser-aller d’une réception d’artiste, société pressée où les derniers venus n’apparaissent qu’en buste ; ainsi dans une foule d’invités on n’aperçoit que des rangs de visages. Et tout cela fait d’un souffle, d’une espèce de poussière brillante,