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des années précédentes, celui-ci présentait le lendemain un spectacle singulier. Les villages de la première ligne avaient cruellement souffert. Villers-Bretonneux était un monceau de ruines. Mais ceux de la seconde ligne étaient intacts. Les champs avaient l’aspect paisible de la paix. Je me rappelle en arrivant à Caix un vallon charmant planté de peupliers. Le trafic était rétabli partout. Le pont de Demuin ayant été détruit, les camions passaient à gué, dans un éclaboussement d’eau et de soleil. Un motocycliste traversait la rivière, les jambes relevées, sur sa machine trépidante. L’artillerie ennemie réagissait à peine. Elle envoyait seulement des obus lourds sur quelques lieux habités. C’est ainsi qu’il y avait un mauvais passage à la sortie de Lamotte en Santerre. De temps en temps, un obus tombait dans les convois. Les chevaux s’effaraient. On voyait au pied d’un mur un camion détruit et les corps des conducteurs rangés entre les roues. Mais dans l’ensemble, l’immense plateau était calme. Sur une route latérale, on voyait encore des batteries allemandes en position sous le réseau gris de leur camouflage, avec les paniers d’obus. Un tout jeune servant était étendu sur le dos en travers du chemin, les poings crispés.

Au Nord de la Somme, le 3e corps britannique avait eu une plus dure journée. L’ennemi, qui avait fait deux jours plus tôt le coup de main de Morlancourt, était sur ses gardes. Quand on longe la rive septentrionale, par la route qui suit le couloir de la vallée touffue, après avoir traversé Sailly-Laurette, on trouve dans une sorte de cuve le village de Chipilly. Il est adossé à une crête verticale qui l’emmure du côté de l’Est, tandis qu’il est flanqué du Nord par d’autres crêtes et par des bois. L’ensemble constitue une position très forte, où l’ennemi réussit à se maintenir.

Malgré cette résistance à la gauche, la journée avait été une victoire éclatante. L’ennemi laissait dans les mains de l’armée Rawlinson 13 000 prisonniers et 3 à 400 canons. Australiens et Canadiens avaient combattu avec autant d’habileté que d’énergie. La cavalerie, après une série de marches de nuit, avait avancé, le jour de l’action, de 38 kilomètres au delà de ses points de concentration.

Le 9 août, l’armée Rawlinson exploita bon succès. L’ennemi, après avoir vivement résisté sur la ligne Beaufort-Framerville, faiblit. La cavalerie britannique travaillait maintenant