Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/286

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais cela ne les empêche pas de se connaître, de se parler, de s’entr’aider, et cela n’empêche pas non plus le catholicisme américain, — c’est toujours Mgr Julien qui parle, — de devoir « être compté parmi les principales sources de l’idéal dont est faite l’âme d’un grand peuple[1]. » Déjà nous avons entendu l’Eglise chez certains peuples latins, demander la liberté « comme chez les Anglo-Saxons : » l’ascendant nouveau que retirent de la dernière guerre les civilisations anglo-saxonnes, et l’effondrement de tous les Césars qui voulaient jouer au chef religieux, inaugurent une ère durant laquelle le Saint-Siège, plus intégralement libre qu’au temps où certaines Puissances le gênaient, pourra préparer, à la faveur même de cette liberté, un avenir religieux et social plus strictement conforme aux exigences de sa mission et aux aspirations des âmes vers l’unité.


II. — L’ÉGLISE ET LES DROITS DE LA POLOGNE

Sur les décombres accumulés, une autre liberté commence de resplendir, liberté spécialement chère à l’Eglise : celle de la Pologne. « Dieu, dit Bossuet, remue le ciel et la terre pour enfanter ses élus. Croyez-vous qu’il ne pourra remuer la Russie, l’Autriche et la Prusse ? » Ainsi parlait, il y a plus d’un demi-siècle, l’Oratorien Charles Perraud[2] : l’élue dont il voulait l’enfantement, c’était la Pologne ; et d’aucuns sans doute pensèrent que pour prêter à Dieu d’aussi volcaniques desseins, il fallait être un songe-creux. Mais voici que la Russie, l’Autriche, la Prusse, ont été vertigineusement remuées ; la grande iniquité commise par le XVIIIe siècle est réparée ; la Pologne revit.

Trois puissants qui s’appelaient l’Empereur, l’Électeur de Brandebourg et le Tsar, regardaient ensemble la Pologne, dès le milieu du XVIIe siècle, avec at esprit de concupiscence dont les Polonais s’inquiétaient : une lettre d’Hugues de Lionne, en 1664, parlait déjà de ces vilains manèges[3]. Seul le premier pas coûtait : il fut fait en 1769 par les ministres de Marie-Thérèse, qui firent occuper un comitat. Elle savait quoi

  1. Mgr Julien, Impressions d’Amérique, p. 18, 19. Boulogne-sur-Mer, 1919.
  2. Henri Perreyve, La Pologne, p. 302. Paris, 1865.
  3. Sorel, La Question d’Orient au XVIIIe siècle, 2e édit., p. 18. Paris, 1889.