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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/299

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rendre leurs biens. » Et la reine de répondre : « Oui certes, mais qui leur rendra leurs larmes ? » Les Polonais, redevenus une nation, ne demandent pas qu’on leur rende leurs larmes ; ils acceptent d’avoir été, pendant un siècle et demi, condamnés à pleurer. C’était le vouloir de Dieu, dont l’Église pleurait avec eux ; et ce n’est pas vainement qu’ils ont pleuré, puisque aux applaudissements de l’Eglise s’est vérifié, pour eux et par eux, le mystique verset par lequel Mickiewicz terminait le Livre des Pèlerins polonais :


« Ils ont commencé la guerre des peuples, — la guerre générale pour la liberté des peuples. Et Dieu leur accordera de l’achever heureusement. Ainsi soit-il ! »


IV. — TRIBUNS D’ÉGLISE DANS LES NATIONALITÉS AFFRANCHIES

Elle s’achève heureusement, cette guerre, pour les autres Slaves que l’Autriche opprimait, Slaves de Bohême et de Styrie, de Carniole et de Carinthie, de Dalmatie et de Bosnie, pour les Roumains de Transylvanie, pour les Italiens de l’Adige et de l’Adriatique. Et partout l’Eglise prête sa voix à leur joie même de revivre, partout elle prête son aide à leur impatience de réinstaller normalement leur vie.

Près de trois ans durant, dans la monarchie dualiste, les opinions nationales avaient été contraintes de rester muettes : ce fut seulement au début de l’été de 1917 que la réouverture du Parlement leur rendit une tribune. Des prêtres y montèrent, avocats immédiats de leurs nations opprimées, de ces nations que l’on avait malgré elles jetées dans la mêlée, et dont le Habsbourg exigeait que par leur propre sang elles scellassent leur propre servitude. Entre Rome et les consciences tchèques. Vienne, puissance germanisante, s’était tenacement interposée ; par son influence souvent tyrannique sur l’épiscopat, elle avait induit certains esprits à confondre la centralisation germanique et l’unité romaine, et créé des malentendus dont souffrait le prestige de Rome et dont résultent, aujourd’hui même, certaines turbulences. Mais les âmes bohèmes se sentaient, tout à la fois, traduites et soulagées, quand elles entendaient l’abbé Isidore Jahradnik proclamer au Reichsrat : « Ce Dieu que je sers, punira les coupables ; il défendra et protégera mon