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On ferait venir de Galicie des prêtres catholiques pour les Ukrainiens fidèles à Rome ; mais en principe, le schisme d’État, bousculé dans l’Empire Russe par la chute du Tsarisme, recevait du germanisme la maîtrise officielle de l’Ukraine… Le germanisme se croyait encore, à cette date, le tout prochain vainqueur. Mgr Sapieha, prince évêque de Cracovie, avait fait preuve de prudence et de perspicacité en omettant d’ordonner un Te Deum lorsque la Prusse et l’Autriche, avec une mensongère emphase, avaient proclamé l’indépendance de la Pologne ; il avait simplement commandé des prières à l’Esprit-Saint pour que son peuple se dirigeât bien[1].

Péniblement victorieuse de ces suprêmes embûches, la « libre et orthodoxe république de Pologne, » — comme autrefois la qualifiaient les Papes, — a fait une belle rentrée dans la vie. L’Eglise était là, comme il convenait. Benoit XV, expédiant aux évêques de Pologne, en avril 1918, le préfet de la Vaticane, Mgr Ratti, l’avait prévenu qu’il trouverait là-bas « un peuple incomparable pour son dévouement à l’Eglise Romaine- » Et Mgr Ratti déclarait, au bout de quelques semaines : « J’ai vu moi-même de mes yeux ce que le Pape m’avait annoncé, et plus encore. » Une Puissance est ressuscitée, que la Papauté peut considérer comme une amie ; sur le sol même où l’Eglise était suspecte, ou captive, ou serve, l’Eglise aujourd’hui respire. La première diète de la souveraineté nouvelle s’est inaugurée le 9 février 1919 par une cérémonie dans la cathédrale de Varsovie, et par la consécration religieuse des locaux parlementaires : l’élément protestant de la diète était présent. La culture catholique, à Varsovie, veut s’emménager somptueusement, dans une université pour laquelle vingt-trois millions sont déjà recueillis. La pourpre est promise aux épaules de l’archevêque par une lettre solennelle de Benoît XV ; et Mgr Ratti, en juin 1919, est élevé aux fonctions de nonce. Après cent cinquante ans de veillée funèbre, l’Eglise est en allégresse[2].

À la fin du XIVe siècle, la reine Hedwige, « l’étoile de la Pologne, celle qui aimait mieux être douce que puissante, » recommandait à son mari Ladislas Jagellon de pauvres gens persécutés. « Soyez consolée, lui disait Ladislas ; je leur ai fait

  1. Fournol, De la succession d’Autriche, p. 212. Paris, 1918.
  2. La Documentation catholique, 10 mai 1919, p. 463. — Nouvelles religieuses, 1er décembre 1918, p. 708. — Lebreton, Études, 15 octobre 1918, p. 134-135.