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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/34

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pointes insolentes ; le mot d’ordre : Los von Rom ! enleva à l’Eglise de Léon XIII plus de vingt mille sujets de François-Joseph. De Saxe et de Prusse, des pasteurs survenaient, jaloux d’achever la germanisation de l’Autriche en y portant l’Evangile des Hohenzollern ; contre ce qui venait de Berlin, l’Autriche n’avait plus le droit de se protéger[1].

Léon XIII et son secrétaire d’État notaient ces misères de l’Eldorado ; l’Autriche avait cessé d’éblouir Rome et cessé, aussi, de l’intimider.

Les rancunes viennoises, au conclave de 1903, éloignèrent la tiare de la tête du cardinal Rampolla ; ce fut la dernière victoire remportée par la dynastie des Habsbourg sur l’indépendance de l’Eglise, quinze ans avant que cette dynastie ne tombât dans le néant. Victoire odieuse, et victoire stérile. Au moment de la mort de Pie VII, Metternich, qui ne raisonnait pas toujours mal, avait écrit au comte Appony, son ministre à Rome : « Une expérience constante a prouvé que l’exclusion formelle et patente que les cours qui sont en possession d’envoyer des ambassadeurs au conclave ont droit de donner à un cardinal déterminé, présente des inconvénients réels, et que presque toujours les dites cours, lorsqu’elles ont usé de ce droit, s’en sont mal trouvées[2]. » L’Autriche se trouva mal de l’exclusive de 1903.

Elle vit Pie X, en 1904, soulager la conscience chrétienne par d’énergiques et décisives mesures destinées à protéger les futurs conclaves contre toute récidive du prétendu droit de veto. Elle sentit, en 1906, que les résistances passives de l’épiscopat dalmate annulaient certains succès qu’un instant elle avait pu se flatter d’avoir remportés sur la liturgie slave[3]. Elle apprit enfin, à la fin de juin 1914, que le cardinal Merry del Val venait de signer avec M. Vesnitch le concordat serbe.

C’était là, pour l’Autriche, un désastre diplomatique ; religieusement parlant, elle n’avait plus rien à faire dans les Balkans ; Rome lui signifiait son congé. Pour le Drang nach Osten, pour cette poussée qu’à travers la trouée balkanique le

  1. Voir dans la Revue du 15 mars 1903 notre article : L’Allemagne en Autriche.
  2. Metternich, Mémoires, TV, p. 60.
  3. Voyez l’article de M. Jacques Zeiller : Chez les Slaves de l’Illyrie, dans la Revue catholique des Églises, 1908, p. 18-32.