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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/362

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effet splendide, et la plus belle de toutes était la Reine, avec la couronne impériale sur la tête. On ne voyait que brocart d’or et d’argent et les gens les moins bien mis portaient du velours cramoisi, de sorte que les toilettes étaient un coup d’œil merveilleux, sans parler des innombrables chaînes d’or portées par les chevaliers et les autres. Tous les assistants convinrent qu’ils n’avaient jamais vu un si magnifique spectacle et l’ambassadeur de Russie, qui était parmi eux, déclara qu’il n’avait jamais vu une pompe aussi extraordinaire. Le nonce de sa Sainteté le Pape s’exprima de même, aussi bien que l’ambassadeur de France, qui déclara que, quoi qu’il eût assisté au couronnement du Pape et à celui de ses propres roi et reine, il n’avait jamais vu quelque chose de plus splendide. Votre Excellence peut juger, par là, à quel point ces noces ont été plaisantes et glorieuses. Toute la foule poussait des cris de joie et cela jusqu’à ce que nous atteignîmes le Castello de Milan, où le cortège se disloqua et le peuple fut dispersé. J’ai bien des fois regretté votre absence durant toute la cérémonie, et puisque mon désir n’a pu être satisfait, j’ai pensé qu’il serait bon que je vous en écrive le récit de ma propre main.

« En me recommandant à votre Excellence, comme toujours, votre sœur

« Beatrix Sfortia Vicecomes Estensis Diichissa Bri. »


Ce ne fut pas seulement une cavalcade qu’on offrit en pâture à la curiosité publique : ce furent les corbeilles de mariage. Les dames de Milan, admises à défiler devant le trousseau de Bianca, qu’on avait exposé, selon l’usage, dans une des salles du Castello, ouvrirent de grands yeux en voyant tout ce qu’il contenait. Nous en ferions autant et peut-être croirions-nous être entrés, par mégarde, dans une salle de musée, si nous voyions tout ce que cette petite personne devait traîner derrière elle, à travers les défilés des Alpes Rhétiques, pour se croire convenablement nippée.

Car il n’y avait pas, là, seulement des robes, du linge, des broderies, des bijoux, c’est-à dire dix-huit camoras comme celle qu’elle porte ici dans ce portrait : de velours vert avec le volant de satin cramoisi, ou de soie ondée verte avec fleurs de sureau et le volant de velours cramoisi, ou encore de brocart d’or vert, tissé en relief avec des raisins d’argent ; puis des