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alimentait, pour les quatre cinquièmes, la métallurgie de l’Allemagne comme celle de la France. Et cette prépondérance ne peut que s’accentuer jusqu’au jour où une transformation métallurgique, analogue à la déphosphoration, viendra attribuer une valeur nouvelle à tel ou tel gisement, aujourd’hui méprisé, de Scandinavie, d’Espagne, ou même d’Allemagne et de France.

Telle est la valeur pacifique des minerais que nous rend le retour de l’Alsace et de la Lorraine. Leur valeur militaire ne sera pas moindre pendant quelque temps, et on ne saurait négliger ce côté de la question au moment où nos adversaires la relèvent tête, encouragés dans notre camp par certaines incurables sentimentalités et comptant sur l’inévitable lenteur avec laquelle les frappera le glaive des lois américain quand leur crime nouveau sera accompli. En attendant le jour où « les progrès de la science » permettront à leur flotte d’avions pacifiques, brusquement mobilisés en quelques heures, de venir foudroyer Paris, il leur faudra franchir la frontière par les routes terrestres, en amenant des canons lourds. Or, pour paralyser une telle agression, il existe deux moyens d’ordre économique : les priver de transports et les priver de fer. N’envisageons pas ce qui se passera dans dix ou vingt ans, quand les Allemands auront pu donner à leur métallurgie une orientation nouvelle. L’humanité n’a plus le loisir de prévoir à longue échéance. Actuellement, sans les minerais lorrains, cette métallurgie va se trouver désorganisée, désaxée, incapable d’alimenter une production intensive d’obus, de canons et de tracteurs. Nous tenons là en mains un instrument de pacification provisoire, supérieur à tous les traités.

C’est peut-être ici le lieu de préciser un point qui prêterait aisément à confusion. Je disais tout à l’heure que les minerais calcaires de Briey n’étaient nullement indispensables aux Allemands pendant la guerre. Je déclare maintenant que la privation de tout le bassin lorrain peut contribuer puissamment, pendant quelque temps, à empêcher leurs attaques. N’y a-t-il pas contradiction ? On a remarqué, à ce propos, — et, ce semble, avec infiniment de raison, — que l’Allemagne, comme la France, possède dans son propre sol, ou peut se procurer au dehors, des minerais de fer abondants, susceptibles de suppléer aux minerais lorrains.

D’une façon absolue, c’est incontestable et cela rentre dans