Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous entrons là en possession d’une industrie à peu près intacte, susceptible par conséquent de compenser comme tonnage la destruction systématique de la nôtre, mais orientée dans un sens si différent au point de vue politique et technique qu’elle ne pourra combler nos vides. Toute l’organisation va être à changer ; la propriété devra passer dans d’autres mains ; la fabrication même aura sans doute à subir des modifications profondes. Nous sommes dans la situation d’un navire, où il faudrait reprendre tout l’arrimage et reconstituer les approvisionnements en pleine marche, après une tempête. Si les vivres ont été noyés par un coup de mer, on ne les, remplacera pas par des fourrures ou des diamants de plus grand prix et on ne substitue pas davantage des rails à de la tôle pour machines ou pour navires. Avant la guerre de 1870, on se bornait, en Lorraine, à fabriquer un peu de fonte. Les mines séparées de France se sont fatalement tournées vers les houillères de la Sarre et de la Westphalie qui les alimentaient, vers les aciéries des mêmes régions qui finissaient leurs produits. Les Allemands, implantés en Lorraine, qui y ont construit des aciéries, l’ont fait pour le plus grand bénéfice des organisations qu’ils possédaient ailleurs. Nous en profiterons dans la Sarre ; mais, pour ce qui concerne la Westphalie, c’est une œuvre à reprendre, une révision minutieuse à faire.

Les chiffres sont les suivants : sur 21 millions de tonnes de minerais lorrains, 11 étaient transformés en fonte sur place, 3 dans la Sarre, 3 en Westphalie ; 3,5 en Luxembourg. Sur les 3 100 000 tonnes de fonte Thomas obtenues, 2 500 000 étaient converties en acier, dont on produisait ainsi 2 300 000 tonnes : soit pour l’exportation directe, soit à destination des usines complémentaires westphaliennes.

On n’attend pas de moi une description méthodique de cette belle industrie qui nous est restituée dans les deux régions de Thionville et de la Sarre. Voici pourtant, sur le pays de Thionville, quelques indications rapides que nous compléterons pour la Sarre après avoir parlé du charbon.

Quand les Allemands ont occupé la Lorraine en 1810, ils y ont trouvé quarante-huit petits hauts fourneaux dans les usines de Novéant, Ottange, Ars-sur-Moselle, Hayange, Moyeuvre, Styring. Mais nous avons vu que, depuis lors, des deux côtés de la frontière, la production de fonte est devenue vingt fois