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dix milliards, en échange desquels on voit, pourtant, par l’énumération précédente, qu’il faudra donner des produits, du travail et du temps. Les industriels comptent cela autrement. Le bénéfice net leur importe seul. En supposant que celui-ci soit de 1 ou 2 francs par tonne, on ne trouve déjà plus que 2 ou 4 milliards, au lieu de 10. Mais ce genre d’évaluations, auquel on procède parfois sans sourciller, est vraiment bien singulier. Il est un peu fou de compter comme une valeur présente du minerai que l’on extraira dans vingt, trente ou quarante ans. On devrait, plus rationnellement, se borner à envisager la production réelle qui était de 5 millions de tonnes en 1900, de 21 millions en 1913, qui pourra être bientôt de 30, en déduire le bénéfice annuel du gisement... mettons 60 millions de francs... et lui appliquer un taux normal de capitalisation, de manière à obtenir quelque chose d’analogue au prix de vente des mines, supposées mises à la fois sur le marché. On né trouverait plus ainsi que 1 200 millions.

Toutefois cette manière de procéder serait, elle aussi, à mon sens, très inexacte. Ce qui nous intéresse, nous Français, ce n’est pas seulement le bénéfice direct que ces mines lorraines vont apporter à leurs possesseurs nouveaux, — et encore ne faut-il pas oublier, comme on le fait trop souvent, que certaines d’entre elles appartenaient déjà à de très bons Français ; et qu’il faudra prendre quelque part, fût-ce en Allemagne, l’argent pour payer les autres ; — ce n’est pas non plus le profit qui en résultera pour nos ouvriers mineurs, puisque nous serons amenés à faire travailler beaucoup d’étrangers et de coloniaux ; c’est bien plutôt l’avantage que l’ensemble du pays pourrait en tirer, si on savait, si on pouvait s’organiser pour garder le fer jusqu’à son élaboration complète et définitive, en y incorporant, jusqu’au bout, de la main-d’œuvre française. Une tonne de minerai valant 5 francs la tonne peut donner finalement pour 500 francs d’acier fabriqué en machines. Nous ne parviendrons pas, cela va sans dire, à élaborer en machines de ce prix tout le minerai lorrain ; mais il y a là pourtant une considération essentielle qui ne doit pas être perdue de vue et qui nous empêche de conclure...

Si nous passons maintenant à l’industrie d’extraction et d’élaboration qu’alimentent ces minerais, aux mines et aux usines, un premier point attire aussitôt notre attention, c’est que