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ennemis et quelquefois de nos amis eux-mêmes. Pendant un demi-siècle de douleur et d’attente, de souvenir fidèle et d’espérance tenace, la France, la vraie France, — celle que ne voient pas les observateurs frivoles et superficiels de nos amusements ou de nos modes, — a souffert en secret, travaillé en silence, accumulant ainsi toutes les ressources de volonté, de patience et de bravoure dont elle sentait qu’elle aurait un jour grand besoin pour sa propre délivrance et pour la libération de l’humanité. Maintenant, de l’intégration de ces valeurs accumulées résulte une victoire que les écrivains français ne laisseront ni contester ni amoindrir.

C’est ce qu’a dit au nom de l’Académie française, M. Brieux, dont l’exemple personnel nous a fait voir, pendant cette guerre, à quel point un honnête homme de lettres, désireux d’action morale, peut, dans les circonstances difficiles où chacun donne sa mesure en travaillant pour l’utilité publique, faire figure d’homme de bien. Jamais l’auteur de l’Engrenage et de l’Evasion n’a mieux mérité l’hommage que lui rendait son regretté confrère, le marquis de Ségur, en le recevant sous la Coupole : « Foi, courage et vigueur, telles sont, Monsieur, vos caractéristiques. »

Avec vigueur, avec courage, avec foi, l’orateur de l’Académie française a proclamé sa confiance dans l’avenir de notre nation et dans l’éminente dignité de l’idéal français. De cet idéal, nous avons vu, séance tenante, les plus touchantes manifestations, en écoutant M. le baron de la Chaise, — un jeune officier messin, décoré de la Croix de guerre, — lire son rapport sur les prix de vertu. L’Académie de Metz décerne, en effet, des prix de vertu comme sa grande aînée du palais Mazarin, grâce aux libéralités de quelques généreux donateurs, tels que le baron Charles de Ladoucette et le docteur Herpin. Ses palmarès annuels, depuis la fondation de ces prix, sont pleins d’actes de courage et de dévouement. Aux exemples d’autrefois la vertu lorraine vient d’ajouter, pendant quatre ans de guerre où l’oppression germanique se fit particulièrement cruelle, une page profondément émouvante. En tête de ce nouveau chapitre d’histoire lorraine viennent les noms des dames de Metz qui se sont dévouées à l’entretien des tombes de nos soldats morts en captivité, ainsi qu’à la guérison des blessés dont elles ont adouci les souffrances physiques et les douleurs morales. Les parents qui pleurent au loin sur la disparition d’un fils bien-aimé sauront qu’au cimetière de Chambière les fleurs déposées par des mains délicatement maternelles n’ont jamais cessé d’orner les tertres où des croix de bois