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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/467

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ressemblance qui rapprochent de l’esprit messin les plus délicates vertus de la politesse française. On sait de quel cœur fidèle le regretté Alfred Mézières affectionnait cette Académie de Metz dont les registres mentionnent si souvent son père, « recteur émérite. » Prisonnier des Allemands en terre lorraine, il est mort dans sa maison de Rehon, sons l’odieuse surveillance de la « Kommandantur. »

Quarante-neuf ans s’étaient écoulés depuis que l’Académie de Metz avait tenu sa dernière séance solennelle. C’était en 1870, à la veille de la catastrophe qui a violemment séparé de la mère-patrie, pendant près d’un demi-siècle, nos Lorrains de Metz et nos Alsaciens de Strasbourg. Pendant quarante-quatre ans d’oppression, l’Académie de Metz, surveillée par la police du Kaiser, avait renoncé à ses séances publiques, afin d’éviter toutes relations officielles avec les autorités allemandes. Elle a travaillé dans une retraite pleine de dignité, se renouvelant par un recrutement silencieux, jusqu’au jour où elle fut supprimée, sans autre forme de procès, par ordre de la « Kommandantur. »

En cette journée du 12 juin 1919, la clarté d’un radieux soleil illumine l’Hôtel de ville, pavoisé d’azur, d’argent et de pourpre par les trois couleurs du drapeau de la France. Les hautes fenêtres de la grande salle ouverte aux effluves d’une belle journée d’été laissent entrer à flots la lumière, qui avive l’éclat des uniformes et fait briller sur le drap bleu horizon des vareuses d’officiers, sur les palmes vertes des habits d’académiciens, sur la soutane des prêtres du diocèse de Metz, le ruban rouge de la Légion d’honneur. C’est le réveil, après un lourd cauchemar. La Marseillaise a retenti sur la place d’Armes, saluant les représentants des lettres, des sciences et de l’art français.

L’Académie française a délégué pour cette cérémonie son directeur en exercice, M. Brieux, ainsi que son doyen, M. d’Haussonville, un combattant de l’autre guerre, un Français de haute lignée, dont le patriotisme est solidement enraciné, par ses origines, aux profondeurs mêmes du sol lorrain.

Une des obligations, qui s’imposent à nous au lendemain de la victoire, c’est de rendre justice à toutes les vertus françaises, hier encore, si cruellement méconnues. Notre victoire, obtenue par un héroïque effort qui, sous le feu de l’ennemi, parvint à compenser l’inégalité de certaines organisations matérielles, ne fut jamais, à aucun moment, une improvisation morale. Il y avait, au fond des âmes, une réserve inépuisable d’énergies militantes, ignorées de nos