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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/471

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LA JOURNÉE DU 28 JUIN
À VERSAILLES

La Journée du 7 mai à Versailles a été racontée ici-même [1]. Voici, plus mémorable encore, l’autre journée, celle du 28 juin 1919, désormais inscrite parmi les plus grandes dates de l’histoire de France. Dans ce décor de Versailles et de la Galerie des Glaces, évocateur d’un passé magnifique, flottait cependant, depuis l’Année terrible, l’ombre d’un deuil national. C’est là que, dans le clair-obscur d’une morne journée d’hiver, le 18 janvier 1871, nos ennemis, dans le brutal enivrement de leurs succès, ont cru pouvoir abolir dix siècles de gloire française. C’est là que maintenant, dans la lumière d’un beau jour d’été, la France a donné rendez-vous aux peuples de l’univers civilisé, pour y faire constater son droit, aux yeux du monde entier, par la signature de l’Allemagne vaincue.

Le Château, avec sa vaste cour, ses statues, les lignes simplets et nobles de sa façade, forme le fond d’un tableau dont les premiers plans sont animés par un va-et-vient de troupes en marche. Les représentants des nations alliées qui arrivent à Versailles dans des automobiles pavoisées aux couleurs de leurs drapeaux, écussonnées de cocardes tricolores, passent, avant de franchir la grille, entre deux haies de dragons bleus. Ces jolis cavaliers, presque tous imberbes, en tenue de campagne, avec de jeunes visages roses qu’empreint de précoce gravité la jugulaire du casque d’acier, sont armés de lances dont les banderoles blanches et rouges ont des palpitations d’ailes, au souffle du vent léger, sous le tendre azur d’un ciel très doux. Des compagnies d’infanterie viennent, d’un pas allègre et souple, prendre position, pour le service d’ordre, sur les différents

  1. Voyez la Revue du 1er juin.