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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/472

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points de l’avenue de Paris, de l’avenue de Sceaux, de l’avenue de Saint-Cloud, ou de l’intérieur de la ville de Versailles. La porte dés grilles de la cour des Statues s’ouvre à deux battants pour livrer passage à une troupe qui s’avance en uniforme de gala, ornée de panaches, de crinières, d’épaulettes et de buffleteries dont nos yeux avaient été déshabitués par la simplicité Spartiate de la tenue de guerre. Les tambours roulent. Les clairons chantent. La foule admire ces superbes soldats. Toutes les têtes se découvrent au passage du drapeau,

Dans la Cour de Marbre, les plénipotentiaires alliés sont salués par une compagnie qui présente les armes, tandis que clairons et tambours, autour du drapeau, sonnent et battent aux champs. L’introducteur des ambassadeurs les conduit à la Galerie des Glaces par l’escalier d’honneur, où s’alignent deux rangs de gardes immobiles, en hautes bottes vernies et culottes blanches, tuniques à retroussis rouges, casques brillants à crinière, à cimier, à aigrette, sabre au clair.

Ils vont s’asseoir à leurs places respectives, autour des tables réservées aux délégations de l’Entente. On voudrait connaître leurs noms, voir leurs figures. Mais ici les traits individuels s’effacent, se confondent dans l’immensité de la vaste perspective que nous ouvre l’avenir et dans la beauté de l’œuvre collective qui est née d’une noble fraternité d’armes. Les grands soldats qui furent les héroïques ouvriers de cette œuvre et par qui devint possible, en fin de compte, le dénouement auquel nous assistons en ce jour, n’ont obtenu, pour la plupart, qu’une gloire anonyme. Combien, hélas, ont disparu sans laisser même un nom sur une croix de bois ! Il n’y aura donc point d’appel nominal ni de titres sonores, jetés au public. Pas d’autres uniformes que les uniformes militaires. On a eu l’heureuse pensée de placer au premier plan des invités un groupe de soldats mutilés. Ils sont là, ces témoins qui sont des martyrs, assis souffrants et pâles, mais quand même radieux, dans l’embrasure d’une haute fenêtre dont la clarté fait voir en plein jour les balafres de leurs visages ravagés. Et l’on n’aurait rien à regretter si les yeux qui le cherchent vainement, apercevaient auprès d’eux l’illustre chef qui les a menés à la victoire.

Un émouvant silence s’établit. La table et les sièges assignés aux délégués allemands sont encore vides. On attend. et voici que, dans ce silence, sous les yeux de l’assemblée immobile, entrent par la porte du fond deux hommes à lunettes, vêtus de longues redingotes